Massacre de Katyn: un témoignage sur la falsification des analyses déclassifié

MOSCOU, 12 avril. /TASS/. Le professeur Gerhard Butz, nommé en mars 1943 à la tête de la commission chargée d’enquêter sur le massacre de soldats et d’officiers polonais dans la forêt de Katyn, a falsifié au moins à deux reprises les résultats des analyses effectuées sur les lieux. C’est ce qui ressort du témoignage de son assistant de laboratoire, l’Oberleutnant (lieutenant) Ludwig Schneider, qu’on trouve dans les documents d’archives déclassifiés par le Service fédéral de sécurité (FSB) russe, dont l’agence TASS a pris connaissance.

Les documents ont été remis par le FSB de la région de Smolensk aux archives d’État de l’histoire contemporaine dans le cadre du projet Sans délai de prescription. Les archives comprennent des certificats, des rapports de renseignement et des rapports spéciaux du service de contre-espionnage militaire Smersh, datant de 1944-1945.

“Butz a falsifié les résultats des analyses. […] Il m’a chargé d’assister un délégué français, dont j’ignore le nom de famille. Ce professeur m’a remis un couteau trouvé dans une tombe pour analyse et m’a chargé de déterminer analytiquement le pourcentage d’oxyde de fer. J’ai effectué l’analyse avec beaucoup de soin et j’ai trouvé que l’échantillon contenait 23,3% d’oxyde de fer, dont j’ai établi un rapport que j’ai remis à Butz pour qu’il le signe. Ayant pris connaissance des résultats de l’analyse, il en fut très mécontent, me cria dessus en me disant que j’avais mal fait mon travail, et au lieu de 23,2% écrivit 68,2%, m’ordonnant de réécrire l’acte, ce que je fis”, se souvient Schneider.

Il précise qu’un tel pourcentage d’oxyde de fer devait certifier que le couteau était dans la tombe depuis bien plus longtemps que ne l’indiquaient les véritables résultats de l’analyse. “Après cette falsification de Butz, il m’est apparu clairement que des Polonais avaient été fusillés par les Allemands après l’occupation de Smolensk”, souligne Schneider, qui était étudiant d’un institut chimique à Berlin avant d’être enrôlé dans l’armée allemande.

Selon ce témoin, Butz a également falsifié les résultats des analyses du tissu d’une uniforme provenant de la tombe, qui ont été effectuées par un autre assistant de laboratoire, Karl Schmitz. “Schmitz a exprimé la ferme conviction que les Polonais avaient été fusillés par les Allemands en 1941”, conclut Schneider.

Il note par ailleurs qu’avant même le début de l’enquête par la commission, Butz a été interrogé par un officier de la Gestapo nommé Gilbers, qui “est devenu le chef de facto de notre laboratoire sur l'”affaire de Katyn”, et on a remarqué que le professeur Butz lui obéissait sans objection en toutes choses”. “Butz lui-même n’a pratiqué des autopsies que sur deux ou trois cadavres, le reste du temps il allait d’un membre de la commission à l’autre en leur disant qu’il y avait des preuves irréfutables que les officiers polonais avaient été fusillés par les bolcheviks en 1940”, ajoute le témoin.

Membre du Parti national-socialiste des travailleurs (NSDAP) et de la SS depuis 1933, Butz était à partir de 1935 chef de département du service de la sécurité du Reichsführer-SS (Sicherheitsdienst, SD) à Iéna. En 1938, il se retrouve au cœur d’un scandale après que, lors de l’autopsie du corps du Rottenführer Albert Kallweit, tué par deux prisonniers de Buchenwald lors d’une évasion, il a séparé sa tête de son corps et l’a emmené avec lui à Iéna, provoquant le mécontentement de ses supérieurs. Contraint de démissionner, Butz se retrouve sur le front de l’Est lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale.

En 1944, après la fin de l’enquête sur le massacre de Katyn, il meurt dans des circonstances mystérieuses à Minsk, en Biélorussie. Selon l’une des versions, il aurait été victime d’un bombardement, selon une autre, il aurait été tué par les nazis.

Photo Imperial War Museums