MOSCOU, 23 mai. /TASS/. Le Service fédéral de sécurité (FSB) de Russie a publié des documents d’archives déclassifiés sur les crimes de soldats français et américains commis contre les Allemands dans Berlin occupée en 1945.
Selon le centre des relations publiques du FSB, l’Administration militaire soviétique en Allemagne, qui a été mise en place en mai 1945 pour gérer la zone d’occupation soviétique, était divisée en quatorze secteurs dont celui de Berlin s’occupait notamment de surveiller la situation et le comportement des troupes alliées dans les zones américaine, britannique et française de la ville.
Montée de la criminalité
Dans une lettre du 9 novembre 1945, le chef du secteur de Berlin, le général de brigade Alexeï Sidnev, informe le commissaire (ministre) adjoint du peuple aux Affaires intérieures, Ivan Serov, d’un accroissement du nombre de crimes des militaires américains à l’encontre les Allemands.
« Les cas de délinquance, les vols et les violences de soldats américains contre les Allemands, loin de cesser, ne font qu’augmenter de jour en jour. Par exemple, le 21 octobre dernier, deux Allemands […] rentraient chez eux du travail à pied lorsqu’ils ont été abordés par deux soldats américains qui leur ont demandé du feu. Après quoi, sans aucune raison, les Américains ont tiré au pistolet, blessant l’un à la poitrine et l’autre au ventre. Les deux Allemands ont été découverts par la police et emmenés dans un état grave à l’hôpital. »
Une missive du 19 novembre 1945 fait état de l’augmentation « du nombre d’excès et de pillage de la population de Berlin par les militaires des forces d’occupation alliées ». Ainsi, le 27 septembre au soir, « trois soldats français sont entrés dans l’appartement » d’une habitante de la banlieue berlinoise et l’ont violée, tout comme une autre femme qui s’y trouvait, « avant de leur voler 200 marks et une montre en or ».
Le 26 octobre, deux militaires américains ont tenté de violer une femme devant un magasin lorsqu’un Allemand les en a empêchés. « Les Américains l’ont battu et lui ont cassé le nez avant de prendre la fuite. » Le soir même, deux camions transportant entre 40 et 50 soldats américains armés de mitraillettes se sont arrêtés en face d’un restaurant. Les militaires ont fait irruption dans l’établissement et ont ordonné aux clients de leur remettre tous les objets précieux. « Les Américains se sont emparés de montres, de bagues en or, d’argent en espèces ainsi que de cols en fourrure des femmes et sont repartis », indique la lettre.
Les exemples sont particulièrement nombreux dans le secteur américain, mais ne manquent pas non plus dans les zones française et anglaise. Ainsi, dans la soirée du 27 octobre, quatre militaires français ont pénétré dans l’appartement d’un Berlinois et, sous la menace d’une arme, ont emporté son poste radio. Trois jours plus tard, trois Britanniques sont entrés dans autre un appartement et ont exigé du vin rouge. « Le propriétaire a répondu qu’il n’avait pas de vin. Les Britanniques ont alors pris des objets de valeur et sont partis. »
Envoi d’agents
Le 5 mars 1946, Winston Churchill a prononcé à Fulton un discours marquant le déclenchement de la guerre froide entre l’Occident et l’Union soviétique. À peine deux mois plus tard, le contre-espionnage soviétique a constaté une montée de l’activité des services de renseignement américains, britanniques et français dirigés contre l’URSS.
« Au 1er mai 1946, il a été possible de démasquer et d’arrêter 203 agents dont 108 du Secret Service britannique, 80 du Secret Intelligence Service américain et 15 du Service de sécurité militaire français », écrivait le 8 mai le chef du secteur de Berlin au ministre soviétique de l’Intérieur. « L’enquête a établi que les agents destinés à être infiltrés dans notre zone par les Britanniques et les Américains sont principalement recrutés parmi des prisonniers de guerre libérés des camps, dont les familles vivent dans la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne, ainsi que parmi les membres de l’organisation Jeunesses hitlériennes. »
« Les services de renseignement britanniques et américains définissent le plus souvent pour mission aux agents de recueillir, au moyen de surveillance et en faisant connaissance avec des officiers soviétiques, des informations sur l’emplacement d’unités militaires, le nombre de leurs effectifs et leur équipement, sur les fortifications en construction aux lignes de démarcation, sur l’attitude de la population allemande envers l’Armée rouge et les mesures prises par l’Administration militaire soviétique. En outre, ils doivent propager des faux et des rumeurs provocatrices pour dénigrer l’administration militaire soviétique et l’Armée rouge. » Qui plus est, parfois les agents étaient chargés d’infiltrer les structures de contre-espionnage soviétiques afin de connaître leurs méthodes de travail et les noms d’employés, selon les documents déclassifiés par le FSB.
Photo Earl F. Ziemke: The U.S. Army in the Occupation of Germany, 1944–1946. U.S. Army Center of Military History, 1975