Trois pays au sein de la commission sur le massacre de Katyn ont douté de ses conclusions

MOSCOU, 12 avril. /TASS/. Les représentants de la France, du Danemark et de la Suède n’étaient pas d’accord avec les conclusions de la commission internationale organisée par l’Allemagne nazie pour enquêter sur l’”affaire de Katyn”, selon lesquelles des officiers et des soldats polonais ont été fusillés en 1940 sur décision des autorités soviétiques. C’est ce qui ressort du témoignage de l’assistant de laboratoire, l’Oberleutnant (lieutenant) Ludwig Schneider, qui se trouve parmi les documents d’archives déclassifiés par le Service fédéral de sécurité (FSB) russe, dont la TASS a pris connaissance.

Les documents déclassifiés ont été remis par le département du FSB dans la région de Smolensk aux archives d’État de l’histoire contemporaine dans le cadre du projet Sans délai de prescription. Les archives comprennent des certificats, des rapports de renseignement et des rapports spéciaux du service de contre-espionnage militaire Smersh, datant de 1944-1945.

“Lors de la réunion [finale], il est apparu que les opinions des membres de la commission étaient divergentes. Les représentants de la France, du Danemark et de la Suède ont ainsi déclaré qu’à leur avis, il était seulement possible d’établir l’existence d’un crime, mais que ses auteurs ne pouvaient pas être identifiés. Les représentants de la Finlande, de la Hongrie et de l’Espagne ont déclaré qu’ils considéraient néanmoins comme prouvé que la fusillade des Polonais avait été effectuée par les Russes en 1940, malgré l’absence de preuves scientifiques suffisantes. Les autres membres de la commission se sont contentés de soutenir [le chef de la commission, le professeur Gerhard] Butz et n’ont pas exprimé clairement leur opinion. Malgré les divergences d’opinion entre les membres de la commission, le protocole final a été signé par tous”, se souvient Schneider.

Il ajoute qu’en privé, les membres de la commission ont exprimé plus ouvertement leurs doutes quant au travail de Butz. “[Le Danois] m’a fait part de ses réflexions sur le travail de la commission et m’a dit que l’enquête dans son ensemble lui avait fait une impression déprimante et que les résultats étaient très peu concluants”, note Schneider. Selon lui, les membres de la commission sont arrivés à Smolensk en provenance de Berlin fin avril 1943 par un vol spécial. La commission a travaillé du 2 au 8 mai 1943. “Les cadavres avaient déjà été préparés à l’avance, et ni les membres de la commission ni nous, les employés du laboratoire de Butz, n’étions présents lors de l’exhumation. Par conséquent, j’ai eu l’impression que ces cadavres avaient été apportés d’ailleurs. […] L’aspect des cadavres et les parties bien conservées de leurs uniformes ne pouvaient pas indiquer qu’ils avaient été enterrés depuis si longtemps. Cette circonstance a été soulignée par certains membres de la commission avant même les résultats des analyses”, lit-on dans le témoignage.

Selon Schneider, Butz a affirmé aux membres de la commission que les plantations sur les tombes avaient été effectuées trois ans auparavant, c’est-à-dire avant l’occupation de la région de Smolensk par les troupes allemandes. “Dans le même temps, le représentant de la France a objecté en ma présence que la flore donnait l’impression d’être “plus jeune” et a demandé à Butz de fournir des preuves. En réponse, Butz s’est référé à l’avis d’un forestier de l’armée allemande. Non satisfait de cette réponse, le Français a proposé d’interroger les habitants locaux, mais Butz a rejeté cette proposition. Il a été vivement soutenu par le représentant hongrois, le professeur Orsos, qui a fait remarquer que “cette question n’est pas si importante pour l’instant””, ajoute le témoin.

Le représentant de la Suède a lui aussi déclaré que “jusqu’à présent, il n’y a que des preuves du crime commis, mais ses auteurs n’ont pas été démasqués”. “Le président de la commission, qui était suisse, a tenté d’apaiser les esprits en déclarant qu’”il est inconcevable de penser à attribuer le crime de Katyn aux Allemands”. […] On sentait que la situation s’envenimait, mais à ce moment-là, le dîner a été servi et la discussion s’est calmée”, témoigne Schneider.

“Affaire de Katyn”

En 1943, des fosses communes de prisonniers de guerre polonais exécutés ont été découvertes dans la forêt de Katyn, près de Smolensk, qui était alors occupée par les Allemands. Une commission d’experts composée de médecins et de pathologistes d’Allemagne, de Hongrie, du Portugal, de Suisse et d’autres pays occidentaux s’est rendue à Katyn dans le but d’examiner les corps.

La commission a conclu que les fusillades avaient été perpétrées par le NKVD au printemps 1940. L’URSS a nié ces accusations. Après la libération de Smolensk par les troupes soviétiques, Moscou a envoyé sur place sa propre commission qui a conclu que les militaires polonais avaient été fusillés à Katyn à l’automne 1941 par les troupes d’occupation allemandes. Cette conclusion a constitué la position officielle de l’URSS et des pays du pacte de Varsovie jusqu’en 1990, date à laquelle le gouvernement soviétique a reconnu la responsabilité du NKVD dans ce massacre.

En 2010, la Douma (chambre basse du parlement russe) russe a exprimé ses “profondes condoléances à toutes les victimes de répressions injustifiées, à leurs familles et à leurs proches”. Elle a également déclaré qu’au début des années 1990, “le pays a fait des pas importants pour établir la vérité sur le drame de Katyn”, reconnaissant que le massacre de Polonais sur le territoire soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale était un acte arbitraire de la part d’un régime totalitaire.

À l’automne 2023, le député communiste russe Nikolaï Ivanov a proposé d’annuler cette résolution de la Douma, estimant qu’elle portait une atteinte grave aux intérêts et à la réputation de la Russie. Le président de la chambre basse, Viatcheslav Volodine, y a donné suite en proposant de mettre en place un groupe de travail parlementaire.

Photo Imperial War Museums