Il y a seize ans, le 8 août 2008, après le début du conflit entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, le président russe Dmitri Medvedev annonçait le début d’une opération visant à “contraindre la Géorgie à la paix”. TASS a préparé un dossier sur ce conflit.
Le contexte
Après le conflit armé de 1990-1992 entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, des forces de maintien de la paix ont été déployées dans la région. Toutefois, aucun règlement définitif n’a pu être trouvé et l’Ossétie du Sud a conservé le statut de région “non reconnue”.
Mikhaïl Saakachvili, arrivé au pouvoir en Géorgie en 2004, a lancé un renforcement militaire qui a atteint son apogée en 2007-2008, lorsque les dépenses militaires représentaient 8% du PIB du pays. Selon le Centre russe d’analyse des stratégies et des technologies, entre 2003 et 2008, les dépenses militaires réelles de la Géorgie ont été multipliées par 33,5. Le pays a pu également bénéficier de l’accroissement de l’aide militaire directe des États-Unis, de la Turquie et de plusieurs autres pays. Ce qui a permis d’augmenter considérablement les effectifs et la capacité au combat de l’armée qui a adopté en gros les normes de l’Otan dans les domaines de la gestion, de l’organisation, du recrutement, de la formation et de l’utilisation au combat.
L’administration Saakachvili ne cherchait pas à cacher que l’un des objectifs de la réforme militaire à grande échelle était le “retour” forcé des anciennes autonomies d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
En juillet 2008, la situation dans la zone du conflit entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud s’est brusquement aggravée.
Chronique des hostilités
7 août. À 15h45 (UTC+3), l’artillerie géorgienne ouvre le feu sur Tskhinval, la capitale de l’Ossétie du Sud. Cependant, les tirs cessent rapidement et, dans la soirée, Mikhaïl Saakachvili annonce un cessez-le-feu. À 23h30, les forces armées géorgiennes commencent à bombarder Tskhinval, employant environ 150 unités d’artillerie, mortiers et lance-roquettes multiples. Le bataillon russe de maintien de la paix se retrouve dans la zone des tirs. Peu après, le chef d’état-major des opérations de maintien de la paix de la Géorgie, le général Mamouka Kourachvili, annonce le début d’une “opération visant à rétablir l’ordre constitutionnel dans la région de Tskhinval”.
8 août. À 04h00, à l’issue d’une préparation d’artillerie, les forces armées et les unités de police géorgiennes (environ 12.000 hommes) attaquent la périphérie sud de Tskhinval et engagent un combat avec les milices d’Ossétie du Sud et les forces de maintien de la paix russes. Le commandement géorgien prévoyait d’encercler rapidement la ville, de couper la route transcaucasienne (la seule qui relie la Russie à l’Ossétie du Sud) et d’effectuer un “nettoyage” militaire de la capitale de l’Ossétie du Sud. L’intervention de l’armée russe était considérée comme improbable par l’état-major général des forces armées géorgiennes.
Le village de Khetagourovo, à l’ouest de la ville, est pris en premier, ce qui ouvre à l’armée géorgienne la voie en direction du nord, vers la route transcaucasienne et lui permet de bloquer le pont de Goufta et le tunnel de Roki, à la frontière avec la Russie. À l’est de Tskhinval, les unités géorgiennes attaquent les hauteurs de Prissi, les villages de Dmenis et de Sarabouki, cherchant à pénétrer dans les localités géorgiennes (enclavées) des gorges de la Grande Liakhva. Peu après minuit, les unités du district militaire du Caucase du Nord sont alertées et deux groupes tactiques de la 19e division de fusiliers motorisés de la 58e armée commencent à s’introduire en Ossétie du Sud depuis le territoire russe par le tunnel de Roki. Dans la matinée, ils atteignent le pont Goufti et repoussent une tentative de bombardement de chasseurs Su-25 géorgiens. À partir de 11h00, l’aviation russe porte des frappes contre les troupes géorgiennes, causant un impact extrêmement négatif à leur capacité de combat et leur moral. À 15h00, le président Dmitri Medvedev annonce, lors d’une réunion du Conseil de sécurité russe, le début d’une opération visant à “contraindre la Géorgie à la paix”.
Grâce aux opérations de l’armée de l’air russe et à la résistance acharnée des milices, les troupes géorgiennes, qui contrôlaient jusqu’à 30% de Tskhinval à 14h00, sont contraintes d’abandonner la ville à 16h00. Une deuxième tentative de prise d’assaut de la ville est effectuée deux heures plus tard, mais elle échoue également. Les troupes géorgiennes se retirent bientôt de Khetagourovo sans combattre et un détachement précurseur russe entre dans la ville. Dans la soirée, des navires de la flotte de la mer Noire commencent à transférer les forces de la 7e division d’assaut aéroportée en Abkhazie. Le conseil de sécurité de la république abkhaze mobilise les réservistes et met l’armée en état d’alerte presque immédiatement après le début des hostilités en Ossétie du Sud.
9 août. À 01h30, les troupes géorgiennes attaquent à nouveau Khetagourovo après un tir d’artillerie, mais se heurtent à une résistance de l’avant-garde russe et ne parviennent à occuper le village qu’à 12h00. Vers 15h00, une colonne de troupes russes entrant dans Tskhinval rencontre à la périphérie de la ville des unités géorgiennes qui ont lancé une troisième offensive contre la capitale de l’Ossétie du Sud. Le général Anatoli Khrouliov, commandant de la 58e armée, est blessé au cours des combats. Le groupe tactique du bataillon russe se retrouve encerclé et prend une défense circulaire. Après plusieurs heures de combats acharnés, les troupes géorgiennes se retirent de Tskhinval vers 19h00 et le bataillon russe de maintien de la paix réussit à quitter le camp après deux jours de blocus.
À peu près au même moment, la flotte de la mer Noire, après avoir repoussé une attaque de vedettes géorgiennes, commence à débarquer des troupes près d’Otchamtchira. Une zone d’interdiction de navigation est établie au large de l’Abkhazie.
10 août. Dans la nuit du 9 au 10 août, la Russie poursuit le redéploiement des forces en Ossétie du Sud. Dans le même temps, l’aviation et l’artillerie du district militaire du Caucase du Nord frappent les troupes et les sites stratégiques géorgiens. À 14h00, l’armée géorgienne se retire complètement sur son propre territoire, tout en continuant à bombarder Tskhinval et ses environs. Les habitants de l’enclave géorgienne dans les gorges de Liakhva fuient leurs villages. Pendant ce temps, les formations abkhazes pénètrent progressivement sur le territoire des gorges de Kodori, contrôlé par la Géorgie. Dans la soirée, les forces armées russes quittent l’Abkhazie pour se diriger vers le sud et entrent dans le district de Zougdidi, en Géorgie.
11 août. Vers 10h30, les militaires russes (fusiliers motorisés et unités des forces aéroportées) commencent à avancer vers le sud depuis Tskhinval. Dans la soirée, ils s’installent près du village de Variani, à une dizaine de kilomètres de la ville géorgienne de Gori (la distance entre Gori et Tbilissi est de 85 kilomètres). Les tentatives de résistance de l’infanterie et de l’aviation géorgiennes sont restées vaines. L’armée géorgienne commence alors à se retirer de la frontière avec l’Ossétie du Sud et la retraite organisée se transforme rapidement en déroute. Le contrôle centralisé des troupes est perdu. Les unités encore opérationnelles se fortifient à la périphérie de Tbilissi, redoutant une percée des troupes russes vers la capitale.
Dans l’ouest de la Géorgie, les forces armées russes occupent Zougdidi et Senaki. Les militaires géorgiens bloqués dans les gorges de Kodori déposent les armes et s’enfuient.
12 août. Dès le matin, les unités russes avancent progressivement vers Gori, bloquant la ville et prenant le contrôle de la route et de la voie ferrée Tbilissi-Batoumi. Les communications entre l’ouest et l’est de la Géorgie sont ainsi interrompues.
À 12h40, le président russe Dmitri Medvedev annonce la fin de l’opération. À 15h00, les forces armées russes cessent les opérations.
Pertes dans les deux camps
Selon les chiffres officiels, les forces armées géorgiennes ont perdu 170 militaires tués ou disparus et 1.964 blessés; la police a perdu 14 tués et 227 blessés. En outre, selon le gouvernement géorgien, 228 civils du pays ont été tués dans le conflit.
Les pertes irrécupérables des forces armées russes varient de 48 à 72 militaires, selon différentes informations, tandis que deux soldats sont portés disparus. Les pertes de la population civile d’Ossétie du Sud à la suite du conflit s’élèvent à 162 personnes.
Conséquences du conflit
La tentative de la Géorgie de reprendre le contrôle de la république d’Ossétie du Sud a complètement échoué. L’ancienne enclave géorgienne dans les gorges de la Grande Liakhva et le district d’Akhalgori ont été cédés à l’Ossétie du Sud, et les gorges de Kodori à l’Abkhazie.
Le 12 août 2008, Dmitri Medvedev et son homologue français, Nicolas Sarkozy, se sont mis d’accord sur un plan de règlement pacifique du conflit entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud (le plan Medvedev-Sarkozy), qui a ensuite été signé par les dirigeants de l’Ossétie du Sud, de l’Abkhazie, de la Russie et de la Géorgie.
Le 26 août, Dmitri Medvedev a signé des décrets reconnaissant l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
Le 2 septembre 2008, la Géorgie a rompu ses relations diplomatiques avec la Russie, ne conservant que des services consulaires (depuis le 5 mars 2009, les intérêts des deux pays sont représentés par la Suisse).
Le 1er février 2009, des bases militaires russes ont été établies en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Le 18 août 2009, la Géorgie s’est retirée de la Communauté des États indépendants (CEI).
Après la rupture des relations diplomatiques russo-géorgiennes, les pourparlers de Genève – discussions sur la sécurité et la stabilité en Transcaucasie – ont commencé en octobre 2008. Ils se déroulent sous les auspices des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), avec la participation de délégations de la Russie, de la Géorgie, de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud et des États-Unis. L’objectif principal est de signer un accord sur le non-recours à la force entre la Géorgie et l’Abkhazie, ainsi que la Géorgie et l’Ossétie du Sud, mais jusqu’à présent, ce problème n’a pas été résolu. En effet, Tbilissi ne reconnaît pas l’indépendance de ces républiques, les considère comme sa partie intégrante et insiste sur le fait qu’un tel accord ne peut être signé qu’entre la Russie et la Géorgie. Pour sa part, Moscou ne signe pas non plus l’accord, étant donné qu’il “ne se considère pas comme partie au conflit” tandis que les accords juridiques contraignants doivent être signés avant tout entre la Géorgie et l’Abkhazie ainsi qu’entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud.
Le dernier volet de ces négociations, le 61e, s’est tenue à Genève les 25 et 26 juin 2024. Le round suivant doit avoir lieu avant la fin de l’année.