SAINT-PÉTERSBOURG, 6 juin. /TASS/. Les relations avec la France, les États-Unis et l’Allemagne, le conflit en Ukraine, la livraison de gaz russe à l’Europe et le problème palestinien ont été les principaux sujets évoqués par le président russe Vladimir Poutine lors d’une rencontre organisée par TASS avec les chefs des agences de presse mondiales.
La Russie et l’Ukraine
La tragédie en Ukraine a commencé par un coup d’État et la Russie n’en est pas responsable. « Tout le monde pense que la Russie a déclenché la guerre en Ukraine. Mais personne, je tiens à le souligner, personne en Occident, en Europe, ne veut se rappeler comment cette tragédie a commencé. Or elle a commencé par un coup d’État en Ukraine, un coup d’État anticonstitutionnel […] La Russie est-elle responsable de ce coup d’État? Non. »
Après 2014, la Russie a tout fait pour résoudre pacifiquement le conflit ukrainien et les coupables du conflit sont les pays qui ont signé le document sur une solution pacifique de la crise à l’époque. « Ceux qui tentent de blâmer la Russie aujourd’hui ont-ils oublié que les ministres des Affaires étrangères de Pologne, d’Allemagne et de France sont venus à Kiev et ont apposé leur signature sur le document relatif au règlement de la crise politique interne en tant que garants d’une sortie de crise pacifique et constitutionnelle? C’est quelque chose dont l’Europe, y compris l’Allemagne, préfère ne pas se souvenir. »
L’accord de paix entre la Russie et l’Ukraine a été torpillé en 2022 par ceux qui voulaient atteindre leurs objectifs géopolitiques dans la région, notamment arriver à la défaite stratégique de la Russie. « J’ai une question rhétorique: pour quelle raison nous empêcher de signer cet accord avec l’Ukraine? Je peux tout simplement supposer que certains voulaient atteindre les objectifs qu’ils avaient fixés pour leur politique étrangère vis-à-vis de la Russie: promouvoir la destruction de la Russie, obtenir à tout prix sa défaite stratégique », a-t-il lancé.
La Russie avait le droit de reconnaître l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL). « Nous ne les reconnaissions pas pendant huit ans. Mais qu’est-ce que nous avons fait après avoir compris que les accords de paix de Minsk ne seraient pas mis en œuvre? Nous avons reconnu l’indépendance de ces républiques autoproclamées », a-t-il rappelé. Moscou avait le droit de le faire conformément à l’article 1 de la Charte de l’ONU. « Et la Cour de justice de l’ONU a statué que, quand il est question de l’indépendance et de l’autonomie, si le territoire d’un pays prend une décision en ce sens, il n’est pas obligé de solliciter une instance supérieure du même État. Tout cela a été fait en lien avec le Kosovo. Mais il existe donc une décision de la Cour de justice de l’ONU. »
Les frappes contre le territoire russe avec la participation des pays occidentaux signifient une guerre directe contre la Russie. « Finalement, si nous constatons que ces pays sont entraînés dans une guerre contre nous, or c’est une participation directe à la guerre contre la Russie, nous nous réservons le droit d’agir de la même manière. C’est un chemin qui mène vers de très sérieux problèmes. »
Vladimir Poutine a également évoqué les militaires russes et ukrainiens faits prisonniers. « Je peux vous citer le nombre exact de ceux qui sont détenus des deux côtés, en d’autres termes qui sont en captivité. Nos soldats et officiers sont au nombre de 1.348 […] Je connais ces chiffres parce que nous travaillons avec tous les jours, et récemment, comme vous le savez, nous avons procédé à un échange: 75 militaires contre 75. Nous, nous détenons 6.465 soldats ukrainiens », a-t-il ajouté.
La Russie et les livraisons d’armes
La Russie apprécie que la Corée du Sud ne livre pas directement d’armes à l’Ukraine. « Tout comme en ce qui concerne l’Italie, je peux dire que nous constatons qu’il n’y a aucune attitude russophobe dans le travail des dirigeants de la République de Corée. Il n’y a pas de livraison directe d’armes dans la zone de conflit. Nous l’apprécions hautement. »
Les livraisons de nouveaux armements à l’Ukraine par l’Allemagne détruisent les relations entre Moscou et Berlin. « Maintenant, lorsqu’il est question [de la fourniture à Kiev] de missiles capables de frapper des cibles sur le territoire russe, les relations russo-allemandes sont en passe d’être définitivement démantelées. »
La Russie ne menace personne et certainement pas les dirigeants d’un autre pays. « Pourquoi avez-vous décidé que nous menaçons quelqu’un? Nous ne menaçons personne, surtout quand il s’agit d’un autre chef d’État. C’est du mauvais ton, un mauvais comportement », a-t-il répondu interrogé pour savoir si la Russie avait menacé ou mis en garde le chancelier allemand, Olaf Scholz, lorsque celui-ci a pris la décision de fournir des armes à l’Ukraine. « Nous avons notre propre position sur certaines questions. Nous connaissons les positions des États européens, notamment de l’Allemagne, concernant les évènements en Ukraine », a-t-il noté.
La Russie et les États-Unis
La Russie travaillera avec tout président qui sera élu par le peuple américain. « Pour nous, le résultat final, comme nous le pensons, n’a pas beaucoup d’importance. Nous travaillerons avec tout président qu’élira le peuple américain. »
Les États-Unis ne s’intéressent pas à l’Ukraine. « Ils s’intéressent à la grandeur des États-Unis, ils ne se battent pas pour l’Ukraine et pour le peuple ukrainien, mais pour leur grandeur et pour leur leadership. Et ils ne veulent en aucun cas permettre à la Russie de réussir, car, selon eux, cela portera atteinte à leur position de leader. C’est là tout l’intérêt de ce que font les États-Unis. »
La Russie ne s’est jamais ingérée dans la politique intérieure des États-Unis. « Nous observons la situation de l’extérieur, nous n’avons jamais interféré dans les processus politiques intérieurs des États-Unis et nous n’allons pas le faire », a-t-il noté.
La Russie et la Chine
La Russie et la Chine continueront d’organiser des exercices militaires. « Comme vous le savez, nous menons des exercices et nous continuerons de le faire, notamment des exercices militaires. Nous travaillons dans le domaine de la coopération militaro-technique et nous avons des choses à offrir à nos amis chinois, qui manifestent d’ailleurs leur intérêt pour nos activités communes en ce sens. »
La Russie et la France
Vladimir Poutine a également constaté que l’économie française frôlait la récession. « L’économie française vacille au bord de la récession. C’est d’ores et déjà évident pour tout le monde. »
La Russie est prête à organiser une enquête sur la mort du journaliste de l’AFP Arman Soldin en Ukraine, même si c’est difficile à faire. « Nous n’avons jamais renoncé à aucune enquête », a-t-il répondu à un journaliste français pour savoir si la Russie était prête à élucider les circonstances de la mort du journaliste décédé en Ukraine près de Tchassov Iar. « Nous sommes prêts à organiser ce processus. Je ne sais pas comment cela peut être fait en pratique […], si une personne est décédée dans une zone de combat. Pourtant, nous ferons tout notre possible. »
La Russie et la Palestine
La Russie fera de son mieux pour résoudre le problème palestinien, tout en tenant compte des relations existantes avec Israël. « De notre côté, nous sommes prêts à faire tout ce qui dépend de la Russie pour régler la situation, en gardant à l’esprit en particulier les relations qui se sont développées avec l’État d’Israël au cours des dernières décennies. »
La Russie et les livraisons de gaz à l’Europe
La Russie continue de livrer du gaz à l’Europe via l’Ukraine et d’autres itinéraires. « Ces pauvres gazoducs [Nord Stream] ont été détruits. […] Personne n’affiche aucune indignation, comme si c’était normal. Dans le même temps, nous livrons, continuons de livrer du gaz vers l’Europe via le territoire de l’Ukraine […] Il y avait deux réseaux de gazoducs. L’Ukraine en a fermé un. Elle l’a fait brusquement, sans aucun fondement. Elle n’a laissé qu’une branche. D’accord. Mais c’est via cette dernière que le gaz est transporté vers l’Europe. Et les consommateurs européens reçoivent ce gaz », a-t-il fait savoir en soulignant que le gaz était également livré via Turkish Stream.
La Russie et les médias
Les pays occidentaux empêchent les médias russes de travailler, ce qui est contraire à la liberté d’expression. « Partout où nos journalistes tentent de travailler, on les empêche de le faire. Partout. Les employés sont intimidés, les comptes bancaires fermés et les véhicules confisqués. Est-ce la liberté d’expression? Bien sûr que non », a-t-il noté.
Les médias russes présentent à l’audience le point de vue de la Russie et ont le droit de le faire. « Même s’il s’agit du point de vue du gouvernement russe, est-ce que nous ne pouvons pas le présenter à l’audience, aux spectateurs, aux internautes? N’est-ce pas une diffusion libre des informations? »
La Russie et les sanctions occidentales
Vladimir Poutine s’est dit convaincu que la Russie commencerait à produire elle-même tout ce qui pourrait lui manquer en raison des sanctions occidentales. « Oui, peut-être qu’il faudra ajourner certains objectifs, mais nous le ferons quand même », a-t-il indiqué évoquant le développement des industries et des hautes technologies dans un pays sous sanctions occidentales. Il a répondu à une question du directeur général de TASS, Andreï Kondrachov, sur les perspectives d’avenir de l’économie nationale: « Je n’ai aucun doute sur le fait que nous réussirons tout, c’est seulement une question de délais », a-t-il déclaré.
Photo Vladimir Astapkovich