L’Europe est préoccupée par les risques d’une coopération avec l’Amérique dans l’espace

PARIS, 21 mars. /TASS/. L’industrie spatiale européenne craint une éventuelle aggravation de la coopération avec les Américains dans l’espace et ne partage pas la politique de l’administration de Donald Trump, a déclaré Lionel Suchet, président-directeur général du Centre national d’études spatiales (CNES), dans une interview au Monde.

En ce qui concerne la coopération avec la Nasa, « nous n’avons reçu aucun courrier officiel nous annonçant la fin de l’une de nos coopérations », mais il existe « un changement d’attitude ». « Nous nous interrogeons de plus en plus sur les intentions de la future administration », a-t-il ajouté.

« Les approches américaine et européenne en matière spatiale étaient différentes sur certains points. Mais les divergences se sont accrues dernièrement. En Europe, notre vision de l’espace repose sur des valeurs de développement raisonnable, en faveur de la connaissance et de la science, au profit des citoyens et des entreprises, pas dans une simple logique de conquête, comme actuellement aux États-Unis. Aller planter un drapeau sur Mars puis revenir ne nous intéresse pas. Nous sommes plus motivés par l’analyse des échantillons prélevés par des robots sur cette planète pour la comprendre. Nous n’avons rien contre les initiatives privées, mais a-t-on vraiment besoin d’envoyer des dizaines de milliers de satellites en orbite? », s’interroge Lionel Suchet.

Les Européens sont également préoccupés par l’incertitude autour du projet Artemis concernant la création d’un base orbitale lunaire qui devrait impliquer l’Agence spatiale européenne. Ainsi, le patron de SpaceX, Elon Musk, s’oppose à cette approche et estime qu’il faut entamer dès le début l’exploration de la surface de la Lune.

« La France et l’Agence spatiale européenne (ESA) sont très engagées dans ce programme par le biais de Thales Alenia Space et d’Airbus. Les ESM (European service modules), c’est-à-dire les blocs moteurs et les supports de la capsule Orion sont fabriqués en Allemagne. De son côté, la Nasa a conçu le lanceur Space Launch System (SLS) qui servira à mettre en orbite la capsule Orion; il s’agit d’une fusée géante qui n’est pas fabriquée par la société d’Elon Musk. S’il n’y a plus de station, il n’y aura plus de capsule Orion, ni d’ESM et encore moins de lanceur SLS. Cela suscite de fortes interrogations », explique le patron du CNES.

Qui plus est, les Européens ne pourront rien faire si les États-Unis décident d’avancer de trois ans, de 2030 à 2027, la désorbitation de la Station spatiale internationale (ISS), car l’Amérique a un rôle majeur dans son fonctionnement.

« Nous devons anticiper tout ce qui peut se passer si la coopération avec les États-Unis venait malheureusement à se dégrader, ce que nous ne souhaitons pas. Nous aurions alors des difficultés dans nos deux grandes familles de missions, que sont l’exploration et l’environnement. Mais nous avons aussi des partenariats avec d’autres pays comme le Japon, l’Inde ou le Canada », a conclu Lionel Suchet.