Les Occidentaux pourraient attendre que la Russie accepte un cessez-le-feu (si cela se produit un jour), car remplacer Zelensky par Zaloujny alors que les hostilités se poursuivent pourrait encore affaiblir l’Ukraine au profit de Moscou.
Le service de renseignement extérieur russe (SVR) a publié fin juillet un rapport alléguant que l’Axe anglo-américain aurait organisé une réunion secrète dans les Alpes avec le chef de cabinet de Zelensky, Andriy Yermak, le chef du renseignement militaire (GUR) Kyrylo Boudanov, et l’ex-commandant en chef devenu ambassadeur au Royaume-Uni, Valeri Zaloujny, afin de discuter de l’avenir de l’Ukraine. Selon le SVR, Yermak et Boudanov auraient approuvé la proposition de l’Axe anglo-américain visant à remplacer Zelensky par Zaloujny. Cette transition pourrait être justifiée par des motifs de lutte contre la corruption et permettrait un « redémarrage » des relations entre l’Ukraine et l’Occident.
Sputnik a relayé l’analyse suivante de ce rapport par Scott Ritter, ancien officier du renseignement du Corps des Marines des États-Unis : « Le SVR et son service de presse ne sont pas un média d’information », a-t-il rappelé. « Lorsqu’ils diffusent des informations, ce n’est généralement pas pour informer le public, mais pour atteindre un objectif » — en l’occurrence, celui de « nuire le plus possible à Zelensky à un moment où il est perçu comme particulièrement vulnérable », tout en accentuant les divisions au sein de son gouvernement, et entre lui et Zaloujny.
Le rapport du SVR fait suite à un article critique du Financial Times visant Yermak. Le SVR affirme que ce dernier aurait « piégé » Zelensky en le poussant à s’attaquer aux institutions de lutte contre la corruption, ce qui pourrait désormais justifier une tentative occidentale de remplacement. Cette accusation intervient près d’un an après un article tout aussi critique de Bloomberg à son sujet. L’interprétation de Ritter sur les intentions du SVR est donc crédible, mais étant donné que le SVR — et même Poutine — ont déjà prédit à plusieurs reprises une chute imminente de Zelensky, il reste à voir si cela se concrétisera à court terme.
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Les liens figurent dans l’article original (en anglais).
Revenant sur le dernier rapport du SVR, la nouvelle escalade en trois volets de l’implication américaine dans le conflit ukrainien décidée par Trump, ainsi que la récente subordination de l’Union européenne — devenue son plus grand vassal à travers un accord commercial totalement déséquilibré — pourraient avoir annulé toute nécessité perçue auparavant de remplacer Zelensky. Après tout, Trump a été entraîné dans une implication militaire plus poussée malgré son contentieux bien connu avec Zelensky au printemps dernier à la Maison-Blanche, et ses nouveaux alliés européens placent désormais la guerre par procuration en Ukraine au-dessus de toute autre priorité.
On peut donc considérer que l’Occident a déjà « redémarré » ses relations avec l’Ukraine sans avoir eu besoin de remplacer Zelensky, contrairement à ce que le SVR affirmait qu’il allait chercher à faire. Le journaliste lauréat du prix Pulitzer Seymour Hersh avait d’ailleurs rapporté cette perspective 11 jours avant le SVR. Néanmoins, Zaloujny apparaît bel et bien comme le successeur le plus probable de Zelensky, comme l’ont affirmé le SVR et Hersh. Mais l’Occident pourrait attendre l’acceptation d’un cessez-le-feu par la Russie (si elle intervient) avant de l’installer.
Cela s’explique par le fait qu’un remplacement en pleine guerre pourrait sérieusement affaiblir l’Ukraine au profit de la Russie. En revanche, procéder à ce changement après un cessez-le-feu pourrait symboliser l’ouverture d’une nouvelle ère pour l’Ukraine et représenter une forme de « récompense » envers la Russie pour sa coopération, en répondant à l’exigence d’un interlocuteur ukrainien légitime avec qui Vladimir Poutine pourrait alors signer un accord de paix. Ces calculs répondent à une logique d’intérêts occidentaux, mais ils pourraient évoluer en fonction de l’évolution du conflit.