Je voudrais dédier ce texte à Eric Denécé, récemment décédé dans des circonstances troublantes et qui me publiait de temps en temps sur le site du CF2R.
L’armement
Nous avons observé, récemment, un bégaiement rapide de l’histoire militaire avec des attaques de drones prépositionnés sur le territoire ennemi. Il s’agit de l’opération « toile d’araignée » revendiquée par l’Ukraine en Russie, mais aussi de la même façon de faire en Iran dans le conflit qui vient de se déclencher (mi-juin 2025).
Nous constatons d’abord que ce jeu est extrêmement dangereux quand il touche la flotte de bombardiers stratégiques russe et qu’il aura des répercussions majeures en termes de sécurité, puisque, pour éviter cela, on devra, bien entendu, protéger ses atouts essentiels, ce qui permettra de cacher les intentions des potentiels belligérants et remettra en selle l’effet de surprise en matière nucléaire. Le monde, qui n’était déjà pas sûr, va le devenir encore moins.
Mais les bornes ont aussi été passées en Iran, car aucun pays n’a les moyens de prévenir une infiltration de drones sur son territoire, possiblement au début en pièces détachées, et qui viendront, en temps voulu, frapper des installations capitales, que ce soit des centrales électriques, des sites militaires ou encore des complexes chimiques ou que sais-je.
Ce qui est surprenant, c’est qu’Israël, à qui on prête d’avoir la bombe nucléaire et qui est donc en supériorité par rapport à l’Iran, a, à dessein, utilisé une méthode asymétrique, comme s’il était le plus faible, ouvrant une boîte de pandore dont l’humanité aura bien du mal à se remettre. Dès lors, en effet, n’importe quel pays peut se voir mis en danger ainsi, ne serait-ce, par exemple, que via une population immigrée nombreuse. Et nous nous devons de constater que, depuis des décennies, les « transhumances » au niveau du globe ont été extrêmement élevées et sans équivalents dans l’histoire. L’Occident, qui a voulu et financé cela, va se retrouver dans la situation de l’arroseur arrosé ! Et nous verrons bien ce qui se passera dans les années qui viennent, car, encore une fois, rien ne peut actuellement contrer de telles attaques.
Le conflit ukrainien a montré l’utilité des drones et la puissance des missiles ; ceux qui sont hypersoniques en particulier. La maîtrise de cette technologie devient donc cruciale et, pour l’instant, ne fait pas partie de l’arsenal occidental, toutes les tentatives jusque-là ayant échoué. Prenons un exemple illustrant cela de manière parlante. Emmanuel Macron a annoncé que la force de frappe nucléaire française disposerait de missiles hypersoniques à Mach 5 en 2035, quand les Russes en ont qui vont à Mach 27 (Avangard) en 2025 ! Rappelons que Vladimir Poutine a déclaré dès 2018, alors qu’il dévoilait son attirail et ses capacités, qu’il avait une contre-mesure contre ce type d’engins. Il n’y a aucune raison pour considérer qu’il bluffait.
Mais nous avons pu subodorer que la Chine maîtrise cette technologie, à un degré moindre, et peut-être aussi l’Iran. Si tel est le cas, on le découvrira vite dans le conflit en cours, si tant est que les Perses veuillent vraiment faire une guerre soutenue, doute, à l’heure de l’écriture de ces lignes, qui reste permis.
On a aperçu encore une montée en gamme des drones qui sont passés, sur le champ de bataille, d’hélices à de petits réacteurs. Leur rayon d’action a été réduit, mais leur efficacité nettement améliorée.
Nous avons donc un mouvement convergent des drones en direction des missiles, avec, ainsi, des coûts substantiellement inférieurs et des capacités de production grandement supérieures et, si les ingénieurs font bien leur travail en Orient, ce dont nous ne saurions douter, nous pourrions voir poindre des drones hypersoniques simples et pas cher. Pour paraphraser La Fontaine, l’Occident se trouverait alors fort dépourvu !
Nous avons fait un tour rapide de l’armement et, bien sûr, pas exhaustif. C’était seulement pour donner un avant-goût de ce qui pourrait nous attendre, y compris de la part de pays qui seraient considérés comme peu, voire très peu puissants, mais qui pourraient facilement tenir en échec des États considérés comme majeurs.
L’information
Passons alors à une autre caractéristique de ce que nous voyons aujourd’hui. Les États-Unis et l’OTAN se croient toujours les maîtres du monde et piétinent toutes les règles internationales. Ce fut le cas en Ukraine, c’est le cas en Palestine, et nous ne parlons pas des conflits anciens, comme le Kosovo, entre autres. La situation devient intolérable pour le quidam qui prend la peine de se renseigner sur les réseaux sociaux et non sur les organes de propagande des différents régimes. Des entités importantes, la France, par exemple, ont perdu toute crédibilité sur bien des sujets. Le dernier en date étant de déclarer qu’Israël a le droit de se défendre au moment même où il attaque unilatéralement l’Iran, qui ne le menaçait pas. Quelle honte !
Il est clair que ce type de discours, dans un monde où l’Ouest s’effondre, culturellement, intellectuellement, militairement, moralement, ne passe plus pour la majorité globale qui se trouve en partie logée dans les BRICS. Cela va donc à coup sûr créer du ressentiment et entame la crédibilité des arguments futurs dans l’hypothèse, très optimiste, où il y aurait une amélioration de la qualité des dirigeants de notre côté.
Il y a aussi cette notion de bien et de mal, dont le porte-étendard est les États-Unis, qui ne fera plus recette auprès de personne. J’ai été élevé en France pendant la guerre froide et on dénonçait à raison les perversions du communisme et les morts qu’il provoquait. Néanmoins, en 2025, si on fait un bilan comparatif, la somme des cadavres dus à Staline et à Mao est bien inférieure à celle due aux présidents américains secondés par leurs séides européens : Golfe x 2, Bosnie, Kosovo, Afghanistan, mais n’oublions pas les affrontements déclenchés comme ceux entre l’Irak et l’Iran sans parler de l’Afrique qui a beaucoup donné même si cela n’a pas été médiatisé. Et encore, pour la plupart des morts, les communistes avaient-ils eu la décence de les créer chez eux pour l’essentiel, quand bien même cela resterait condamnable. L’Occident, lui, sème la désolation partout ! Là où il passe, à l’instar d’Attila et du sabot de son cheval sous lequel l’herbe ne repoussait pas, les populations sont renvoyées au moyen-âge, comme en Irak ou en Lybie.
La guerre se joue donc sur le terrain de l’information dans un contexte, grâce à Internet, où l’accès aux nouvelles du monde entier change la donne. La possibilité, due aux navigateurs, qui permettent de traduire très facilement et de manière très fiable les journaux étrangers, autorise à ceux qui s’en donnent la peine, de se faire une idée bien plus équilibrée et objective de la situation. Elle accorde aussi de constater, quand on habite dans une zone, à quel point les médias stipendiés sont des organes de propagande des régimes. Au-delà des fausses informations, il y a les mensonges par omission et on va voir poindre des méthodes nouvelles qui ont été décrites dans ce document qui était prémonitoire.
L’instruction
Le mensonge va ainsi avoir du mal à proliférer, au moins auprès des gens instruits. Quand on prononce ce dernier mot, on entend des personnes qui ont un vrai niveau, ce qui n’est plus le cas en Occident où l’on a voulu des domestiques dociles et incultes, plus faciles à manipuler.
La guerre des peuples, donc, contre les pseudo-élites, reste une lutte pour un réel accès à la connaissance. Ceux qui gouvernent ont mis en place, depuis bien trop longtemps maintenant, un système marchand d’éducation qui débouche, pour ceux qui réussissent, sur des salaires soi-disant élevés. En France, par exemple, ceux qui ont été les plus performants une semaine de leur vie quand ils avaient 20 ans, se voient gratifiés d’une sorte de rente de situation quoi qu’ils fassent, y compris lorsque leur valeur ajoutée est négative. Ils ne sont jamais inquiétés ni même menacés dans leur emploi. Pour accéder à ces « carrières » on doit payer par un conformisme absolu. Il n’y a pas de place pour la critique, fût-elle intelligente. Nous nous retrouvons donc dans une circonstance similaire à celle dans laquelle étaient nos ancêtres du moyen-âge, époque où les discours politiques étaient en latin ou en grec, tandis que l’on ne parlait que le patois et que l’on ne savait pas lire. La révolution ne s’est alors pas faite en 1789, mais au fil des siècles et nous avons eu, un temps très court, un apogée de volonté à former des gens instruits avec une tête bien faite plutôt que bien pleine. Sous la houlette des États-Unis, cela est terminé1 ! Un symptôme visible de cela se voit dans le problème des missiles hypersoniques, mais ce n’est que la toute petite pointe de l’iceberg. Certains présidents français, par exemple, n’hésitent pas à faire des discours dans lesquels ils affirment que la Guyane est une île. Voilà où nous en sommes. Il est temps que le peuple se rende compte de cela et arrête de se laisser bercer d’illusions en pensant que les dirigeants veulent leur bien. Ce n’est pas vrai ! Le système démocratique est un dispositif de distribution de prébendes qui cherche à faire en sorte que ces dernières soient les moins chères possibles. Et donner le BAC à 90 % d’une classe d’âge en est un exemple significatif.
On a coutume de dire qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Si nous n’avons ici que des aveugles, mais que les borgnes sont dans les BRICS, nous n’irons pas très loin ! Nous devons donc renverser la table du système d’instruction actuel, revenir aux fondamentaux, apprendre l’esprit critique, favoriser l’intelligence et le talent et virer la médiocrité. Il n’est pas normal qu’un ministre de l’économie ne sache pas la surface que représente un hectare et bien d’autres points que l’on pourrait citer à l’instar de la Guyane plus haut. Pour faire cela, il faut une volonté et probablement devrons-nous aller jusqu’à la révolution, à moins que l’effondrement ne nous impose auparavant un retour à la réalité.
Les instances internationales
L’après-Deuxième Guerre mondiale a vu la création de différentes structures à caractère global, comme l’ONU2, l’AIEA3, l’OIAC4, etc.
Ces jours-ci, des sources d’espionnage iraniennes ont fait état d’une complicité profonde entre l’AIEA et les autorités israéliennes. Qui cela peut-il étonner quand on connaît les actions de cette agence à la centrale de Zaporijjia, où elle n’a jamais voulu condamner l’Ukraine qui la bombardait régulièrement, permettant à la propagande occidentale de laisser penser à sa population que les Russes se pilonnaient eux-mêmes ? De même, l’OIAC qui a fustigé le régime de Bachar-al-Assad alors qu’il semble avéré maintenant que ce n’était pas vrai. Et on a beaucoup moins entendu cet organisme à l’époque où l’Irak de Saddam Hussein utilisa les gaz de combat contre l’Iran en tant que mandataire des États-Unis. Terminons par l’ONU, qui ne condamne jamais Israël, lequel ne se plie jamais à quelque résolution que ce soit, quand elle lui est défavorable et si le pays n’est pas protégé par le véto américain, ce qui est rarissime.
Nous avons aussi vu le sport être manipulé à des fins politiques en 2024, par exemple, où la Russie a été interdite de jeux olympiques, le CIO5 l’ayant empêchée. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a créé les jeux des BRICS qui sont, de fait, un concurrent sérieux quant à l’avenir d’une remise en selle initialement française d’une tradition antique. C’est l’embryon d’une guerre de demain d’un genre inédit, avec un doublement des instances internationales dans une perspective de disparition des anciennes qui sont ouvertement corrompues et subjectives.
Le sport aura été la première cartouche tirée. Il est sûr que les autres organisations tomberont tant leur « score » est mauvais et partial. Comme l’optique de croissance est en faveur, pour des décennies, du Sud global, il ne fait nul doute, dans l’hiver démographique dans lequel entre l’Occident de son seul fait, que les nouvelles institutions auront vite fait de supplanter les anciennes. Si, de plus, elles s’avèrent être honnêtes et objectives, le vieil ordre mondial sera très rapidement balayé !
A priori, l’unique organisation qui pourrait perdurer serait l’ONU avec un changement par étape : réforme profonde donnant accès à des nations clés, comme l’Inde, le Brésil, etc. En bref, une « invasion » des BRICS. Puis modification des statuts pour éviter le véto américain, notamment avec tous les abus qu’il a comportés. Peut-être aussi pourrait-on espérer une lecture du droit international plus « normale » et peut-être que l’intelligence artificielle pourrait offrir une base commune de discussion. En effet, si nous nous reportons au conflit israélo-iranien, il y a peu de doute qu’une IA mettrait Israël dans une situation juridique plus que délicate. Il en serait très sûrement de même pour le génocide à Gaza.
La monnaie
Les États-Unis ont militarisé le dollar ces dernières décennies. C’est un fait indiscutable et le paroxysme a été atteint lors du conflit ukrainien. Du coup, la Russie et la Chine ont initié un retour aux échanges internationaux en monnaies domestiques, ce qui s’était fait tout au long de l’histoire de l’humanité. Mais, avant les temps actuels, il y avait un sous-jacent qui était l’or, lequel a été supprimé en 1971 par Richard Nixon. C’est à cette date que l’on peut faire remonter la militarisation du dollar, même si, à l’époque, les dirigeants politiques n’avaient pas la vision de ceux d’aujourd’hui.
Néanmoins, l’effondrement du système qui a vécu avec la devise étatsunienne en référence mondiale, va avoir des conséquences désastreuses sur la santé économique de cette nation et risque de provoquer son écroulement pur et simple. C’est ce à quoi est confronté le gouvernement actuel qui veut à tout prix ramener sur son territoire des actifs industriels, alors qu’il n’a pas compris grand-chose à cette activité, qu’il a tout fait, comme en France et en Grande-Bretagne d’ailleurs, pour tuer en démantelant l’écosystème indispensable à un fonctionnement raisonnable. Etant peuplé, à l’instar de l’Europe, de gens que l’on a formés pour être spécifiquement ignares, aucun redressement ne peut être espéré, y compris sur le moyen terme.
Nous revivons donc, à l’inverse, les événements de 1991 quand l’URSS s’est effondrée. Mais cette fois-ci, c’est la partie adverse et la question est de savoir si la sagesse y sera suffisante pour que l’on y fasse son mea culpa et que l’on essaie, pacifiquement, de reconstituer quelque chose qui tient debout ou si, pour camoufler les erreurs monumentales qui ont été faites dans un contexte de corruption généralisée, on ne déclenchera pas une guerre mondiale.
Si certains se demandent pourquoi Vladimir Poutine, qui pourrait gagner en Ukraine rapidement et facilement, ne conduit pas le forcing et prend son temps, c’est parce que l’ombre de l’épée de Damoclès de la guerre nucléaire engendrée par l’Occident plane au-dessus de sa tête. Et lui qui a redressé son pays de manière magistrale, ne veut certainement pas perdre le bénéfice de qu’il a construit de près. Pourra-t-il éviter l’étape nucléaire ? Rien, hélas, n’est moins sûr !
On remarquera enfin que revenir aux monnaies nationales est une façon de ramener les États à leur juste « valeur » en termes de taille, de population, de création de richesses. Rétablir les USA dans leur vraie dimension serait, à n’en pas douter, un bienfait pour l’humanité et une source d’équilibre mondial.
Conclusion
La guerre de demain, comme toujours, mais c’est beaucoup plus visible dans le monde moderne, sera multivariables. Elle prendra en compte énormément de paramètres, mais nous voyons d’ores et déjà émerger des façons de faire nouvelles. Un État bien préparé devrait se focaliser non sur des productions, comme le propose « Rearm Europe » à l’électro-encéphalogramme plat, mais plutôt des groupes de réflexion pour concevoir de nouveaux armements, définir des stratégies originales, asymétriques dans la plupart des cas. Il faudrait aussi penser à la place que nous voudrions avoir dans le monde qui est en train de naître et dont nous ne faisons actuellement pas partie, étant du côté moribond. Enfin et surtout, nous devrions élaborer cela en termes de défense au cas où nous serions attaqués, ce qui serait peu probable si nous avions un comportement honnête, et non en termes de guerre ou d’expéditions punitives de type police internationale, qui n’est ni plus ni moins que du racket mafieux organisé.
1 Une bonne moitié des élèves entrant en sixième ne savent pas lire !
2 Organisation des Nations Unies
3 Agence Internationale de l’Energie Atomique
4 Agence pour l’Interdiction des Armes Chimiques
5 Comité International Olympique