Pourquoi l’Inde a défié la pression américaine de rompre avec la Russie : cinq raisons clés

L’Inde a défié la pression américaine pour rompre avec la Russie pour cinq raisons.

Le dénominateur commun est la rivalité de l’Inde avec la Chine.

Trump a récemment affiché sa décision de doubler ses droits de douane de 25 % sur l’Inde pour la punir de continuer à acheter de l’énergie et du matériel militaro-technique russes. Influencé par Lindsey Graham, il s’attendait à ce que l’Inde rompe avec la Russie après la hausse des coûts des échanges commerciaux avec elle, ce qui priverait le Kremlin d’une importante source de revenus extérieurs et pousserait ensuite Poutine à faire des concessions à l’Ukraine en échange de la levée de ces sanctions secondaires, afin d’éviter la faillite. Voici pourquoi l’Inde a défié les États-Unis :


1. La « Voix du Sud global » ne peut céder aux exigences américaines

L’Inde s’est présentée comme la « Voix du Sud global » depuis qu’elle a accueilli le premier sommet portant ce nom en janvier 2023. Elle cherche à jouer ce rôle en raison de sa population, de la taille de son économie — la plus importante de ce groupe — et de sa croissance rapide. L’Inde est également l’un des pays fondateurs du Mouvement des non-alignés. Si elle cédait aux exigences américaines, elle laisserait la Chine prendre la tête du Sud global, alors que l’Inde ne considère plus la Chine comme appartenant à cette catégorie de pays.

2. L’énergie russe à prix réduit accélère la montée économique de l’Inde

L’Inde est la grande économie qui connaît la croissance la plus rapide au monde et devrait devenir la troisième économie mondiale d’ici 2028, en grande partie grâce à ses importations massives d’énergie russe à prix réduit. Si elle cessait ces importations, elle devrait remplacer le tiers de son approvisionnement pétrolier, ce qui provoquerait une hausse des prix mondiaux et ralentirait sa croissance. De plus, la Russie vendrait probablement davantage de pétrole à la Chine à un prix encore plus bas pour compenser ses pertes, ce qui serait doublement défavorable aux intérêts indiens.

3. L’Inde ne peut se défendre contre la Chine et le Pakistan sans la Russie

La majorité du matériel militaire indien reste d’origine soviétique ou russe, malgré une décennie de diversification des fournisseurs et de promotion de la production nationale. L’Inde dépend donc encore des munitions et pièces détachées russes. Sans la Russie, elle ne pourrait pas se défendre face à la Chine et au Pakistan, ce qui est inacceptable. Certains en Inde pourraient même soupçonner que les États-Unis cherchent à la laisser à leur merci, peut-être dans le cadre d’un accord machiavélique visant à contenir, voire à morceler l’Inde.

4. Trump veut à tout prix freiner l’ascension de l’Inde comme grande puissance

Dans le prolongement du point précédent, cette analyse explique les manœuvres géostratégiques de Trump à l’égard de l’Inde, fondées sur l’idée de la subordonner comme un État vassal. En clair, l’Inde s’affirme trop vite et devient une force trop indépendante sur la scène internationale pour le confort des États-Unis, qui craignent que cela n’accélère le déclin de leur hégémonie unipolaire. Chercher à placer l’Inde dans une position permanente de dépendance et de vulnérabilité est un moyen d’essayer d’éviter ce scénario.

5. L’Inde ne peut permettre à la Russie de devenir le « partenaire junior » de la Chine

Les points précédents expliquent l’importance stratégique que revêt la Russie pour l’Inde. Même si elle maintenait ses liens militaro-techniques avec Moscou, si elle réduisait ou arrêtait ses importations de pétrole, la Russie deviendrait probablement le « partenaire junior » de la Chine en raison du rôle économique et financier accru que celle-ci jouerait pour elle. La Chine pourrait alors faire pression sur la Russie pour qu’elle réduise ou interrompe ses livraisons d’armes, de munitions et de pièces détachées à l’Inde, plaçant ainsi cette dernière à la merci de la Chine et du Pakistan.


Comme on le voit, le dénominateur commun entre ces cinq raisons pour lesquelles l’Inde a défié la pression américaine pour rompre avec la Russie est sa rivalité avec la Chine, dont elle estime qu’elle profiterait inévitablement de toute concession. Les coûts stratégiques d’une telle évolution sont jugés bien plus élevés que les pertes financières imposées par les États-Unis. En fait, ces derniers pourraient même lever une partie de ces sanctions dans le cadre d’un compromis avec la Russie lors du prochain sommet Poutine-Trump, ce qui constituerait une victoire incontestable pour l’Inde.

Vous pouvez retrouver les liens externes dans l’article original d’Andrew Korybko.