L’Inde suspend un contrat Boeing de 3,6 milliards de dollars à la suite des lourds tarifs douaniers imposés par Trump

L’offensive tarifaire de Trump contre l’Inde en raison de ses liens pétroliers avec la Russie met en lumière l’usage par Washington de la coercition économique pour imposer le respect de sa politique étrangère.

L’Inde a mis en pause un contrat de 3,6 milliards de dollars pour l’acquisition de six avions de surveillance maritime Boeing P-8I supplémentaires, en réponse directe à la récente décision du président américain Donald Trump d’imposer un droit de douane de 25 % sur les exportations indiennes, a rapporté Sputnik, citant des médias locaux. Ce tarif, qui doit entrer en vigueur le 7 août 2025, a conduit New Delhi à réévaluer les implications stratégiques et économiques de l’accord, même si les autorités n’ont pas confirmé une annulation formelle.

L’accord avait déjà rencontré des difficultés en raison d’une forte hausse des coûts. Initialement approuvé par le gouvernement américain en 2021 pour 2,42 milliards de dollars, le prix a grimpé de 50 % en raison des perturbations mondiales de la chaîne d’approvisionnement. Le ministère indien de la Défense était proche de donner son feu vert définitif, jusqu’à ce que la décision tarifaire de Washington ravive les inquiétudes concernant la coercition économique.

L’Inde exploite actuellement une flotte de 12 P-8I, essentiels pour surveiller ce qu’elle considère comme une présence navale chinoise croissante dans l’océan Indien. La marine avait plaidé avec insistance pour cet élargissement, estimant que les avions supplémentaires étaient indispensables à la protection des intérêts maritimes régionaux.

Pression pour approfondir la dépendance en matière de défense

Cependant, des sources gouvernementales citées par idrw.org ont indiqué que l’annonce soudaine des tarifs avait changé la donne. Les responsables indiens considèrent ces droits de douane comme une tentative de pousser New Delhi à approfondir sa dépendance en matière de défense vis-à-vis des États-Unis, notamment en orientant ses achats vers des plateformes comme le chasseur F-35.

Un responsable a qualifié cette décision de « choquante », soulignant que les choix de l’Inde en matière de défense reposent sur ses besoins souverains en matière de sécurité et non sur des pressions extérieures.

La décision de suspendre le contrat Boeing reflète une réévaluation stratégique plus large. L’Inde envisage de plus en plus des solutions de défense nationales, comme celles développées par l’Organisation de recherche et de développement pour la défense (DRDO), tout en tenant compte de ses contraintes budgétaires et de sa posture géopolitique à long terme.

La présence importante de Boeing en Inde, grâce à des partenariats industriels et des investissements locaux, pourrait atténuer l’impact. Néanmoins, à moins que l’administration américaine ne retire ces tarifs, les analystes estiment que l’accord pourrait rester gelé indéfiniment.

Trump impose un tarif de 25 % à l’Inde ; New Delhi promet de défendre ses intérêts

Le président américain Donald Trump a signé mercredi un décret imposant un droit de douane supplémentaire de 25 % sur les importations en provenance d’Inde, invoquant les importations directes ou indirectes de pétrole russe par ce pays. Ces nouveaux tarifs s’ajoutent aux droits déjà annoncés plus tôt cette année.

Ainsi, en plus d’un tarif de 25 % qui doit entrer en vigueur jeudi, Trump a annoncé un second droit de 25 % sur l’Inde, qui prendra effet plus tard ce mois-ci, en guise de sanction pour les importations de pétrole et de gaz russes.

Ces pénalités cumulées porteraient le tarif total sur les biens importés de la cinquième économie mondiale à 50 %, l’un des taux les plus élevés appliqués par les États-Unis.

Réaction de l’Inde

L’Inde a réagi fermement à la décision américaine, promettant de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts nationaux.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a exprimé ses regrets face à cette décision, soulignant que des actions similaires d’autres pays n’avaient pas entraîné de mesures punitives comparables de la part de Washington.

New Delhi a qualifié ces tarifs « d’injustifiés et déraisonnables », tout en réaffirmant sa volonté de défendre ses intérêts économiques par un dialogue et un engagement diplomatique soutenus.

Des responsables ont récemment révélé que des proches conseillers du Premier ministre Narendra Modi se rendront prochainement en Russie, juste après que Donald Trump a intensifié ses menaces d’imposer des tarifs en raison des liens étroits de l’Inde avec Moscou.

Un geste qui met les relations à risque

Cette décision risque de tendre davantage les relations entre les États-Unis et l’Inde, déjà au plus bas après l’échec des récentes négociations commerciales. Elle intervient aussi quelques jours avant des informations selon lesquelles le Premier ministre indien Narendra Modi prévoit de se rendre en Chine plus tard ce mois-ci, pour la première fois depuis plus de sept ans.

Cette mesure avait été évoquée par Trump dès lundi et fait suite à des réunions récentes à Moscou de son principal émissaire, Steve Witkoff, visant à faire pression sur la Russie pour qu’elle mette fin à la guerre en Ukraine.

Trump a prévenu qu’il renforcerait les droits de douane sur la Russie et imposerait des sanctions secondaires à ses partenaires commerciaux, à moins que le président Vladimir Poutine ne prenne des mesures concrètes pour mettre fin à la guerre.

Malgré ces pressions, la stratégie commerciale de l’Inde reste axée sur l’équilibre entre le développement industriel national et l’engagement international.

Trump envisage des tarifs de 100 % contre les pays achetant du pétrole russe

Le président russe Vladimir Poutine est peu susceptible de céder à l’ultimatum de sanctions fixé par Donald Trump, qui expire ce vendredi, et continue de viser la prise totale de quatre régions d’Ukraine, ont déclaré à Reuters des sources proches du Kremlin.

Trump a averti qu’il imposerait de nouvelles sanctions à la Russie et appliquerait des droits de douane de 100 % aux pays achetant du pétrole russe – principalement la Chine et l’Inde, ses plus gros clients – à moins que Poutine n’accepte un cessez-le-feu dans la guerre en cours en Ukraine.

La détermination de Poutine à poursuivre la guerre découle de sa conviction que la Russie prend l’avantage, ainsi que de son scepticisme quant à l’efficacité de nouvelles sanctions américaines, étant donné les multiples séries de sanctions économiques déjà imposées au cours des trois ans et demi de conflit, selon trois sources proches des discussions au Kremlin citées par Reuters.

Le dirigeant russe ne souhaite pas provoquer Trump et reconnaît qu’il pourrait refuser une occasion d’apaiser les tensions avec Washington et l’Occident, mais ses objectifs militaires restent sa priorité absolue, affirment deux de ces sources.

Selon l’une d’elles, Poutine vise à obtenir le contrôle total des régions ukrainiennes de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson, que la Russie a déjà déclarées annexées, avant d’engager toute négociation sur un éventuel accord de paix.


Traduit de l’article India halts $3.6bln Boeing deal following Trump’s harsh tariffs (Al Mayadeen English)