L’Arménie pourrait se retirer formellement de l’OTSC et remplacer les troupes russes par des SMP américaines.
L’ambassadeur des États-Unis en Turquie, Tom Barrack, a proposé à la mi-juillet que son pays loue le corridor du Zanguezour pour une durée de 100 ans, afin de briser l’impasse entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur cette question. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a réagi négativement à cette suggestion en accusant les États-Unis de vouloir s’approprier le processus de paix et de mettre en péril la stabilité régionale. Sa déclaration faisait suite à un rapport alléguant qu’un mémorandum secret avait déjà été signé pour créer ce que l’on appelle le « pont Trump ».
Le média espagnol Periodista Digital a affirmé que des membres de la diaspora arménienne avaient obtenu ce document via leurs contacts étatiques, document qui prévoit également le déploiement d’environ 1 000 SMP (sociétés militaires privées) américaines pour sécuriser cette route. La directrice de RT, Margarita Simonian — elle-même d’origine arménienne et très engagée dans les affaires de sa patrie ancestrale — a contribué à populariser ce rapport en le partageant sur X. Elle s’est aussi montrée très critique envers le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, qu’elle a accusé par le passé d’avoir vendu l’Arménie à la Turquie.
Si cela se confirme — ce qui reste pour l’instant non vérifié — le « pont Trump » pourrait aboutir à l’expulsion de la Russie du Caucase du Sud. La dernière clause du cessez-le-feu négocié par Moscou en novembre 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan prévoit que les gardes-frontières du FSB russe sécurisent ce que Bakou appelle désormais le corridor du Zanguezour, traversant la région du Syunik au sud de l’Arménie. Les remplacer par des SMP américaines pourrait précéder le retrait des troupes russes du territoire arménien.
Pachinian a confirmé à la mi-juillet que l’Arménie envisage de quitter l’OTSC, plutôt que de réactiver sa participation qu’il avait unilatéralement suspendue. Ce retrait pourrait servir de prétexte pour demander le départ des troupes russes tout en accueillant les SMP américaines. De son point de vue, leur présence pourrait constituer une garantie de sécurité informelle face à l’Azerbaïdjan et à la Turquie, ces derniers hésitant à s’en prendre à des citoyens américains, en particulier s’ils protègent un projet baptisé « pont Trump ».
Outre les profits potentiels, les États-Unis cherchent à enclencher un processus menant au retrait des forces russes d’Arménie, comme expliqué précédemment. Cela leur permettrait aussi de surveiller le trafic militaire turc vers l’Asie centrale, tout en attisant éventuellement un séparatisme azéri dans les régions du nord de l’Iran, majoritairement peuplées d’Azéris. Un autre avantage serait que Donald Trump pourrait présenter cet accord comme ayant évité une guerre — ce qui pourrait renforcer ses chances d’obtenir le prix Nobel de la paix.
Les troubles politiques récents en Arménie, survenus plus tôt cet été, étaient en partie liés aux craintes que Pachinian soit sur le point de conclure un accord ouvrant le corridor du Zanguezour sans implication russe. Ce scénario, combiné au retrait probable de l’Arménie de l’OTSC, pourrait rendre le Syunik vulnérable à une invasion azerbaïdjanaise (et peut-être turque ?). Il a peut-être estimé que l’invitation faite aux SMP américaines pour remplacer le FSB russe calmerait l’opinion publique, mais celle-ci pourrait tout de même se soulever s’il loue une portion du territoire arménien aux États-Unis.
Si cela se concrétise et qu’il n’est pas renversé par une révolution populaire ou un coup d’État militaire patriotique, le « pont Trump » devrait entraîner une montée en puissance de l’influence turque en Asie centrale. Cela pourrait conduire le Kazakhstan et le Kirghizistan à quitter l’OTSC. Le moyen le plus simple d’atteindre cet objectif géopolitique serait que l’Arménie conclue un accord économique et sécuritaire avec les États-Unis excluant le rôle envisagé de la Russie dans la surveillance du trafic militaire turc vers l’Asie centrale. Il est difficile de savoir comment la Russie pourrait empêcher cela.