Il existe des raisons militaires et stratégiques logiques pour lesquelles il n’a absolument aucun intérêt à le faire.
La directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, a réagi à un article de Reuters affirmant que « Poutine n’a pas abandonné son objectif de s’emparer de toute l’Ukraine et de récupérer des parties de l’Europe qui appartenaient à l’ancien empire soviétique ». Tulsi a dénoncé cette affirmation comme un « mensonge » visant à saper les efforts de paix de Trump et à faire courir le risque d’une guerre ouverte entre la Russie et les États-Unis. Elle a également déclaré que « les performances de la Russie sur le champ de bataille indiquent qu’elle n’a pas actuellement la capacité de conquérir et d’occuper l’ensemble de l’Ukraine, encore moins l’Europe ».
Son analyse est parfaitement juste, pour les raisons qui suivent. Tout d’abord, Poutine a autorisé l’opération spéciale après l’échec de la diplomatie à neutraliser les menaces émanant de l’Ukraine et liées à l’OTAN, ce qui a contraint la Russie à recourir à la force. Contrairement à ce que prétendent aujourd’hui sur les réseaux sociaux de nombreux « pro-russes non russes », la « guerre d’attrition » n’était ni improvisée ni prévue dès le départ : elle est apparue uniquement parce que le Royaume-Uni et la Pologne ont saboté de manière inattendue l’accord de paix du printemps 2022.
Le soutien sans précédent de l’OTAN a conduit à cette « guerre d’attrition » et au blocage qui en a résulté sur de larges portions du front pendant de longues périodes. Comme cela avait été évalué dès l’été 2022, « toutes les parties au conflit ukrainien se sont mutuellement sous-estimées », ce qui explique à la fois pourquoi ce soutien a pris les planificateurs russes de court et pourquoi il n’a pas non plus infligé une défaite stratégique à la Russie. Les vingt critiques constructives formulées à l’égard de l’opération spéciale russe en novembre 2022 restent également pertinentes aujourd’hui.
Même si la Russie parvenait à une percée tant attendue sur le front, tout territoire conquis au-delà des quatre régions contestées ne servirait probablement que de levier pour contraindre l’Ukraine à accepter davantage des exigences de Poutine en vue d’un accord de paix, en échange d’un retrait ultérieur. Étendre les revendications territoriales de la Russie par l’organisation de référendums dans de nouvelles régions supposerait de contrôler une part importante de ces territoires, avec une population suffisante encore sur place pour y participer.
Rien de tout cela n’est garanti, d’autant plus que les populations locales pourraient fuir soit vers l’intérieur de l’Ukraine, soit à travers les lignes de front vers la Russie, ce qui rendrait ce scénario très incertain. Les conséquences stratégiques pourraient en outre être disproportionnées si une telle situation se produisait, car Trump pourrait être incité à intensifier l’implication américaine dans le conflit, estimant que Poutine lui manque de respect en agissant ainsi pendant des négociations de paix, ou qu’il l’a manipulé en y participant uniquement pour gagner du temps.
Trump a vivement critiqué Biden pour la perte totale de l’Afghanistan, et il est donc peu probable qu’il laisse Poutine conquérir toute l’Ukraine, même dans l’hypothèse fantaisiste où cela deviendrait possible. Une escalade de l’engagement américain pourrait alors se traduire par l’autorisation donnée aux alliés de l’OTAN d’entrer en Ukraine afin de tracer une « ligne rouge » le plus à l’est possible, assortie de menaces de « représailles » directes contre la Russie si ces forces étaient attaquées en chemin. Or, Poutine a fait tout son possible pour éviter une Troisième Guerre mondiale jusqu’à présent, et il est peu probable qu’il prenne soudain un tel risque.
Il existe également la menace d’une insurrection terroriste à travers toute l’Ukraine occidentale si les forces russes atteignaient ces régions, ce qui serait coûteux pour le Kremlin en vies humaines, en ressources financières et en opportunités, un scénario que Poutine chercherait très probablement à éviter. En tenant compte de l’ensemble de ces éléments — des difficultés militaires aux conséquences stratégiques potentiellement très graves d’une annexion au-delà des régions contestées —, Tulsi a donc tout à fait raison d’affirmer que Poutine ne cherche pas à conquérir l’ensemble de l’Ukraine.
Vous pouvez retrouver les liens externes dans l’article original d’Andrew Korybko.