Il est dans l’intérêt des États-Unis de parrainer la re-bifurcation du Yémen

La reconnaissance internationale du contrôle houthi sur le Yémen du Nord, la restauration de son commerce international (strictement contrôlé), des garanties de sécurité et une aide humanitaire, en échange d’une démilitarisation partielle et d’un accord minier avec les États-Unis, pourraient être les éléments nécessaires pour mettre durablement fin à la guerre.

La « restauration de facto du Yémen du Sud » modifie profondément la dynamique du conflit, en faisant de la re-bifurcation du pays — entre un Sud contrôlé par le Conseil de transition du Sud (CTS) et un Nord contrôlé par les Houthis — un compromis pragmatique pour mettre fin à la guerre. Après tout, il s’agissait de deux États distincts avant 1990 ; cette solution reviendrait donc au statu quo antérieur à l’unification. Les Houthis ne peuvent pas conquérir le Sud, tandis que le CTS ne peut pas remplacer ses adversaires houthis dans le Nord par des forces alliées ; cette option apparaît donc rationnelle.

Cette issue servirait les intérêts des États-Unis, malgré les protestations de leur allié saoudien, qui a dépensé une somme non confirmée mais probablement astronomique dans la tentative infructueuse de réunifier de force le Yémen sous l’autorité d’un gouvernement national ami. Le CTS est favorable à l’Arabie saoudite, mais refuse de devenir son supplétif, d’où la volonté de Riyad de le voir céder ses acquis territoriaux au gouvernement national soutenu par l’Arabie saoudite et renoncer à ses aspirations indépendantistes. Toutefois, Riyad ne dispose d’aucun moyen réaliste pour l’y contraindre.

En prenant l’initiative de la médiation sur la re-bifurcation du Yémen, les États-Unis pourraient obtenir en contrepartie un accès privilégié aux ressources des deux entités : les minerais du Nord et le pétrole du Sud. Le Sud étant déjà favorable à Washington, de tels accords y seraient plus aisés à conclure. Cela pourrait également inclure un accord pour l’implantation d’une base navale, permettant de réduire la dépendance américaine à Djibouti, où la position des États-Unis se « détériore » en raison des avancées chinoises, selon l’évaluation influente du projet « Project 2025 ».

Le Nord, en revanche, est hostile depuis la campagne de bombardements limitée et infructueuse menée par les États-Unis. C’est pourquoi tout arrangement devrait être obtenu par la contrainte, dans le cadre d’un accord global reconnaissant le contrôle des Houthis sur un Yémen du Nord indépendant, mais assorti de conditions strictes, notamment le contrôle de son commerce international par les États-Unis, l’Arabie saoudite et le Yémen du Sud. L’objectif serait d’atténuer la catastrophe humanitaire tout en empêchant l’Iran de réarmer son allié.

Les États-Unis pourraient également négocier des garanties de sécurité entre le Yémen du Nord et ses deux voisins, afin de réduire les craintes des Houthis de subir des attaques si leur puissance militaire venait à diminuer. À ce sujet, il avait été estimé que « le Yémen du Nord contrôlé par les Houthis est en passe de devenir une puissance régionale si rien ne change », ce que Washington a intérêt à éviter — de préférence par des moyens non cinétiques. Comme proposé, une diplomatie créative pourrait y parvenir grâce à une médiation américaine combinant accords politiques, économiques et sécuritaires.

Ni les États-Unis, ni l’Arabie saoudite, ni le Yémen du Sud, ni Israël ne souhaitent voir émerger à leurs portes une puissance régionale alliée à l’Iran. De leur côté, les Houthis doivent reconstruire un Yémen du Nord dévasté et recevoir l’aide nécessaire pour nourrir leur population. Le donnant-donnant envisagé — reconnaissance internationale de leur contrôle sur le Nord, reprise d’un commerce international strictement encadré, garanties de sécurité et aide humanitaire, contre une démilitarisation partielle et un accord minier avec les États-Unis — apparaît donc envisageable.

Ce ne sont pas seulement les intérêts nationaux américains qui seraient servis par une médiation en faveur de la re-bifurcation du Yémen, mais aussi les intérêts personnels de Trump. Il pourrait s’attribuer le mérite d’avoir mis fin à l’une des guerres les plus meurtrières du XXIe siècle, sauvé d’innombrables vies en résolvant la catastrophe humanitaire au Nord, et favorisé la stabilité régionale en invitant un Yémen du Sud indépendant et favorable à Israël à rejoindre les Accords d’Abraham. L’ensemble de ces intérêts pourrait ainsi l’inciter à tenter cette voie.

Vous pouvez retrouver les liens externes dans l’article original d’Andrew Korybko.