Il est peu probable que la Russie prenne le risque de rallier l’Occident autour d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine en organisant une provocation délibérée contre la Pologne, ou même simplement en menant une mission de reconnaissance dans l’espace aérien de l’OTAN.
La Pologne a affirmé avoir abattu plusieurs drones russes mercredi matin, qui auraient pénétré dans son espace aérien lors des dernières frappes de grande ampleur contre l’Ukraine. Cet incident s’est produit alors que se déroulaient des exercices conjoints de la Pologne, de la Lituanie et de l’OTAN impliquant 30 000 soldats polonais, et juste avant les prochains exercices russo-bélarussiens « Zapad 2025 ». Certains soupçonnent donc une provocation délibérée de la Russie ou une mission de reconnaissance ratée, mais il pourrait tout simplement s’agir d’un effet du brouillage de l’OTAN.
On a récemment avancé que « l’affaire Von der Leyen–GPS–Russie ne relevait peut-être pas seulement de la propagande » après que l’affirmation dramatique selon laquelle la Russie aurait brouillé son avion lors d’une tentative d’atterrissage en Bulgarie a été démentie par Sofia elle-même et par les médias occidentaux. La théorie alternative proposée était que ce récit fallacieux visait à justifier un brouillage agressif des signaux à Kaliningrad, lequel pourrait aussi être dirigé contre le Bélarus en raison de l’organisation prochaine des exercices Zapad 2025.
Un tel brouillage pourrait donc avoir conduit des drones russes à dévier de leur trajectoire vers la Pologne lors des récentes frappes massives contre l’Ukraine. Un brouillage agressif des signaux pourrait également précéder la mise en œuvre des projets rapportés d’imposer une zone d’exclusion aérienne sur au moins une partie de l’Ukraine, en lien avec les garanties de sécurité de l’Occident pour ce pays. Bien que loin d’être aussi efficace que des patrouilles aériennes au-dessus de l’Ukraine et que l’autorisation donnée à des batteries Patriot basées dans l’OTAN pour protéger son espace aérien, cette option comporterait un risque d’escalade beaucoup moindre.
De plus, si l’OTAN s’attendait à ce que son éventuel brouillage des signaux – possiblement renforcé après l’affaire Von der Leyen–GPS–Russie, qui aurait pu être calée pour coïncider avec les prochains exercices Zapad 2025 – provoque la déviation de drones russes, cela pourrait faire partie d’une escalade planifiée à l’avance. L’objectif pourrait être de rallier du soutien à la proposition susmentionnée de zone d’exclusion aérienne, ou même de commencer progressivement à la mettre en œuvre sous prétexte de « défense proactive » à la lumière de cet incident.
Après plus de trois ans et demi d’opération spéciale, la Russie aurait vraisemblablement déjà anticipé tous les scénarios réalistes pouvant découler de l’incursion de plusieurs de ses drones en Pologne, et ses décideurs seraient donc probablement conscients que cela pourrait être exploité pour promouvoir le projet de zone d’exclusion aérienne. Cette analyse réduit donc la probabilité d’une provocation délibérée ou d’une mission de reconnaissance ratée, qui auraient probablement été menées de manière plus massive pour justifier un tel rapport coût/bénéfice.
C’est une logique similaire à celle récemment exposée dans une analyse selon laquelle la Russie n’aurait probablement pas visé délibérément le bâtiment du Conseil des ministres à Kiev, afin d’éviter d’alimenter le projet de zone d’exclusion aérienne. Si cet incident pouvait avoir été causé par des débris de drones, le dernier en date aurait pu être planifié de façon plus précise si le brouillage de l’OTAN en était réellement la cause, comme on le suppose. Reste à savoir toutefois si la Pologne participera à une éventuelle zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine.
L’ancien président Andrzej Duda a récemment révélé que Zelensky avait tenté de manipuler la Pologne pour l’entraîner en guerre contre la Russie lors de l’incident de Przewodów en novembre 2022, ce qu’il avait refusé. Son successeur Karol Nawrocki a, quant à lui, promis avant le second tour de ne pas déployer de troupes en Ukraine. Cette continuité politique, qui reflète l’exaspération des Polonais face aux réfugiés ukrainiens et au conflit voisin, pourrait contrecarrer les plans de l’OTAN visant à manipuler la Pologne, même si celle-ci pourrait encore accepter d’intensifier le brouillage des signaux.
Vous pouvez retrouver les liens externes dans l’article original d’Andrew Korybko.