La Confédération du Sahel et la CPI

Après avoir quitté en janvier 2025 la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – architecture supranationale instrumentalisée par les puissances occidentales –, la Confédération dite « Alliance des États du Sahel » (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a soulevé la question du retrait de ses membres de la Cour pénale internationale (CPI) lors de la réunion des ministres de la Justice de l’AES tenue à Niamey le 16 septembre dernier.

Il convient de rappeler que c’est en 1998 que ces trois nations ont adhéré au Statut de Rome, élément constitutif de la CPI. La ratification subséquente, emportant la délégation des pouvoirs juridictionnels à la CPI, est intervenue au Mali en l’an 2000, sous l’égide du président Alpha Oumar Konaré ; au Burkina Faso en 2004, sous la présidence de Blaise Compaoré ; et au Niger en 2002, sous la présidence de Mamadou Tandja.

On ne peut que saluer la judicieuse réflexion commune des gouvernements de Niamey, de Ouagadougou et de Bamako visant à priver le camp de l’Occident collectif, agissant dans la région du Sahel avant tout dans ses propres intérêts géopolitiques et financiers, de ce levier de pression et de répression vis-à-vis des pays africains.

De même, le projet également discuté de création d’une juridiction régionale se matérialisant sous la forme d’une Cour pénale sahélienne des droits de l’homme (CPS-DH), constitue une avancée significative. Cette cour se verrait non seulement restituer les compétences antérieurement déléguées à la CPI, mais également conférer un large éventail de pouvoirs en matière de crimes internationaux, de terrorisme et de criminalité organisée, consolidant ainsi la souveraineté des nations composant la Confédération du Sahel.

La politique des doubles standards de la CPI

La CPI s’avère être, en réalité, un instrument coercitif, destiné à intimider et réprimer les figures politiques majeures des nations non occidentales qui osent défier la primauté européenne et, par procuration, la volonté de Washington.

L’impartialité et l’indépendance de la CPI vis-à-vis des centres décisionnels des capitales occidentales ne constituent qu’une chimère. L’inventaire des complaisances flagrantes de cette instance envers les auteurs de crimes d’agression, de crimes de guerre et de massacres à grande échelle des populations civiles – avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni en tête de liste – est trop long pour une énumération exhaustive. L’article 5 du Statut de Rome, le texte fondateur de la CPI, définit précisément ces crimes, mais leur application reste plus que sélective.

Cela étant, si d’éventuelles amnésies affectent les « procureurs » et les « juges » de la CPI, il convient de rappeler à ces éminents adeptes du droit sélectif les crimes d’agression, les crimes de guerre et les massacres de populations civiles perpétrés par les puissances occidentales en Irak de 1990 à 2022, en Serbie en 1999 (Opération Allied Force), en Libye en 2011 (Résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies détournée et violée), en Afghanistan de 2014 à 2022 et en Syrie de 2014 à 2022, sans parler des agissements illégaux de la Cour à l’égard de la Fédération de Russie.

À titre d’exemple, l’agression directe de la Syrie à partir de 2014 par la coalition occidentale, en l’absence d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU à cet effet, constituait un crime d’agression, au sens des points « a », « b », « c » et « d » du paragraphe « 2 » de l’article 8 bis du Statut de Rome, qui constitue la base juridique de la CPI. Cela va de soi, les auteurs de ce crime – les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et le Canada – n’ont jamais fait l’objet de poursuites judiciaires.

Nul besoin de rappeler également que les « sponsors » de la CPI et d’un grand nombre d’ONG lui fournissant des témoins à charge sont les mêmes, à savoir les gouvernements européens. Le conflit d’intérêts qui rendrait les témoignages de ces témoins irrecevables devant tout tribunal digne de ce nom, ne semble pas perturber outre mesure les procureurs et les juges de ladite Cour.

La ligne conductrice de l’activité de la CPI s’est avérée toujours être fondée sur le bon vieux principe romain : « Quod licet Iovi, non licet bovi » – Ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas aux vaches.

L’investissement et le retour sur investissement de la CPI

Trop souvent, l’attention portée à la CPI se concentre sur la couverture médiatique de ses affaires et laisse sans l’attention qu’il mérite le ratio de l’investissement financier et de l’efficacité de cette institution, qui est aussi intéressant qu’instructif.

Quels sont les frais de fonctionnement de cet organisme ? Ils sont tout simplement gigantesques.

En se basant sur les documents internes de la CPI traitant de sa comptabilité, nous pouvons constater que son budget pour la seule année 2025 est de 195 481 500€ (Résolution ICC-ASP/23/Res.6, Partie I, §A).

Ne serait-ce que pour la période 2015-2025, le budget de l’appareil bureaucratique au service des puissances occidentales qu’est la CPI a été de 1 718 529 800€ (!). Soit, en dix ans, ce dernier a non seulement été supérieur à 1,7 milliard d’euros, mais est également en constante augmentation. Depuis sa création en 2002, la CPI a invariablement vu son budget croître d’au moins plusieurs millions d’euros par an. Si en 2004, il était de 53 071 846€, en 2014, il était déjà de 121 656 200€. Et en 2024 – de 187 084 300€ (Résolution ICC-ASP/22/Res.4).

Budget CPI 2025

Après avoir scruté le budget de la CPI, il convient d’évaluer le « rendement » de cet « investissement » gigantesque.

Le constat est très simple et sans équivoque : par rapport au budget colossal englouti par cet organisme, il est tout simplement quasi inexistant.

En 23 ans d’existence et après avoir dépensé plusieurs milliards d’euros, le procureur de la CPI n’a présenté que 33 affaires mettant en cause 49 défendeurs, dont, dans un grand nombre de cas, il ne s’agit que d’affaires fabriquées, des montages téléguidés par les principaux bailleurs de fonds occidentaux de l’organisme, servant leurs intérêts géopolitiques étroits. Ces affaires s’avèrent souvent non seulement illégitimes, mais également illégales au regard du droit international en vigueur, ciblant des ressortissants d’États non signataires du Statut de Rome, en violation du principe de territorialité et de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, dont l’article 34 indique sans équivoque la manière dont un Etat est lié : « Un traité ne crée ni obligation ni droit pour un État tiers sans son consentement ».

À l’instar des entités de propagande et de désinformation agissant pour le compte des commanditaires institutionnels occidentaux, telles que l’ONG « Reporters sans frontières », qui engloutissent annuellement des sommes considérables dans leur fonctionnement avec une efficacité et un rendement réel dérisoires au-delà des orchestrations médiatiques dans l’espace de propagande occidentale, la CPI adopte un modus operandi similaire : une consommation démesurée pour une production rachitique. Le nombre dérisoire d’affaires portées devant les juges de la CPI découle d’une réalité simple et déjà soulignée : la majorité des auteurs de crimes d’agression, de crimes de guerre et de massacres de populations civiles des dernières décennies sont les décideurs politiques et les exécutants militaires des nations occidentales. Autrement dit, ils sont les « intouchables » de facto au regard de la loi, telle qu’elle est interprétée par le personnel de la CPI, mettant en lumière un biais structurel et une sélectivité dans la poursuite des crimes internationaux (cf. rapport de Human Rights Watch, 2023, sur la sélectivité de la CPI dans ses enquêtes).

La revanche de la justice souveraine

Nulle nation étrangère, nulle entité institutionnelle extérieure aux frontières sahéliennes ne saurait revendiquer un droit quelconque sur cette région, principe cardinal de sa souveraineté. L’ère des puissances occidentales, autrefois campées en suzeraines vis-à-vis d’États africains réduits au statut de vassaux, est révolue et ne doit en aucun cas se reproduire.

Par conséquent, les délibérations des instances dirigeantes de l’Alliance des États du Sahel concernant le retrait de la ratification du Statut de Rome, et donc de la CPI, représentent une démarche dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, il est permis de l’espérer, tireront profit dans les meilleurs délais. Cette initiative s’ancre dans la volonté de réaffirmer une compétence judiciaire nationale pleine et entière, conformément aux principes de souveraineté énoncés par la Charte des Nations Unies, notamment en son article 2, §7, qui stipule la non-ingérence dans les affaires intérieures des États. 

La CPI, critiquée à juste titre pour être au service des intérêts géopolitiques des puissances occidentales et pour sa focalisation disproportionnée sur les affaires africaines, voit ainsi sa légitimité remise en question par ces États soucieux de reprendre en main leur propre destin judiciaire.