Même dans le meilleur des cas où les tensions resteraient gérables, l’OTAN consoliderait malgré tout sa présence le long du flanc sud-ouest de l’Ukraine, qui correspond aussi à son flanc nord-ouest sur la mer Noire, doublant ainsi les problèmes potentiels que le bloc pourrait un jour poser à la Russie.
Le « Parti Action et Solidarité » (PAS), au pouvoir en Moldavie et fondé par la présidente libérale-globaliste Maia Sandu, a perdu quelques sièges lors des dernières élections législatives mais a tout de même obtenu de justesse la majorité. Ce résultat a été atteint grâce à des soupçons de fraude, l’interdiction de deux partis d’opposition conservateurs-nationalistes, l’ouverture de seulement deux bureaux de vote en Russie pour une diaspora de près d’un demi-million de personnes, et la mise en place d’obstacles pour les électeurs de la région séparatiste de Transnistrie. Voici cinq raisons pour lesquelles ces élections comptent :
1. L’Occident a perfectionné son modèle de « renforcement de régime »
Le référendum sur l’adhésion à l’UE de l’automne dernier et la réélection de Sandu ont été obtenus par les mêmes moyens, qui avaient précédé le premier tour de l’élection présidentielle roumaine. Ses résultats furent ensuite annulés sous de faux prétextes d’ingérence étrangère après que l’issue eut déplu à l’UE. Le nouveau scrutin a alors, de manière prévisible, vu le candidat préféré l’emporter après la disqualification de son rival. Le modèle occidental de « renforcement de régime » est désormais perfectionné après les dernières élections moldaves et sera vraisemblablement appliqué ailleurs en Europe.
2. L’OTAN achèvera sa capture de facto de la Moldavie
La Moldavie est constitutionnellement un État neutre, mais cela pourrait bientôt changer si le PAS organise un nouveau référendum calqué sur celui, biaisé, de l’UE. Même sans modifier la Constitution, l’OTAN devrait tout de même parachever sa capture de facto de la Moldavie, probablement en s’appuyant sur les liens particuliers entre la Moldavie et la Roumanie et sur le pacte de défense signé l’an dernier avec la France. Comme on l’a déjà évalué, la France envisage d’utiliser le tandem Roumanie-Moldavie comme tremplin pour intervenir ouvertement en Ukraine, que ce soit avant ou après la fin de la guerre.
3. La Moldavie sera entraînée encore plus loin dans l’« engrenage des missions »
En prolongeant la conséquence précédente, le Service de renseignement extérieur de Russie (SVR) a averti à la mi-juillet que « l’OTAN transforme la Moldavie en un nouveau bélier militaire contre la Russie », ajoutant que ses citoyens pourraient même être utilisés comme chair à canon en Ukraine. Que la Moldavie s’implique directement dans le conflit ou se contente de faciliter l’acheminement d’armes et peut-être un jour de troupes occidentales/françaises, elle est de toute façon entraînée encore plus loin dans cet engrenage, ce qui implique de très sérieux risques sécuritaires.
4. Une attaque moldo-ukrainienne conjointe contre la Transnistrie est possible
Les deux conséquences précédentes mènent à l’avant-dernière : un appui de l’OTAN à une attaque moldo-ukrainienne conjointe contre la Transnistrie, scénario contre lequel le SVR avait déjà mis en garde l’hiver dernier. On part de l’hypothèse qu’il s’agirait d’une victoire peu coûteuse mais hautement symbolique contre la Russie, dont des forces de maintien de la paix sont toujours déployées sur place. Un tel scénario pourrait provoquer des représailles russes contre la Moldavie, l’entraînant directement dans le conflit, et peut-être même la Roumanie – membre de l’OTAN – si ses troupes s’opposaient à celles de la Russie.
5. La cause profonde des tensions OTAN-Russie reste intacte
Enfin, tout cela montre que l’OTAN poursuit son expansion vers l’est aux dépens des intérêts sécuritaires de la Russie, confirmant ainsi que la cause profonde de leurs tensions demeure. Ces derniers développements augmentent la probabilité que l’OTAN intensifie aussi son expansion de facto en Ukraine, que ce soit pendant ou après la guerre, ce qui accroît encore le risque d’aggravation des tensions OTAN-Russie. La nouvelle normalité qui se dessine est donc celle de tensions accrues pour un avenir prévisible.
Compte tenu de ce qui précède, il est clair que les dernières élections moldaves étaient bien plus importantes qu’on aurait pu le croire à première vue, surtout en raison de l’impact attendu de leurs résultats sur l’aggravation des tensions OTAN-Russie. Même dans le meilleur des cas où celles-ci resteraient gérables, l’OTAN consoliderait tout de même sa présence le long du flanc sud-ouest de l’Ukraine, qui correspond aussi au flanc nord-ouest de la mer Noire, doublant ainsi les problèmes potentiels que le bloc pourrait un jour poser à la Russie.
Vous pouvez retrouver les liens externes dans l’article original d’Andrew Korybko.