Téhéran et Islamabad s’accordent sur la nécessité de contrer l’insurrection au Baloutchistan, qu’ils considèrent comme un champ de bataille géopolitique manipulé par les États-Unis, « Israël », l’Inde et d’autres acteurs cherchant à déstabiliser la région.
La région frontalière instable entre le Pakistan et l’Iran, connue sous le nom de Baloutchistan, attire de plus en plus l’attention internationale. Les États-Unis, « Israël », l’Inde et l’Afghanistan y poursuivent chacun des intérêts distincts, contribuant à un paysage géopolitique complexe qui vise à affaiblir les capacités minérales et nucléaires de l’Iran et du Pakistan.
Conscients de ce scénario, Islamabad et Téhéran préparent un changement de politique, notamment à la lumière des récents événements liés à « Israël » et au mouvement séparatiste baloutche, qui a gagné en importance durant le conflit de 12 jours entre l’Iran et « Israël ».
Au milieu de nombreux rapports médiatiques affirmant que la question du Baloutchistan est instrumentalisée par « Israël » pour des objectifs cachés, l’organisation basée à Washington et favorable à « Israël », le Middle East Media Research Institute (MEMRI), a annoncé le lancement du Balochistan Studies Project (BSP), censé « donner une voix au peuple baloutche et exposer la répression brutale exercée par le Pakistan et l’Iran sur 60 millions de Baloutches, privés de médias indépendants, de télévision, de radio et de presse ».
La main de l’Inde dans le bourbier baloutche avait déjà été exposée en 2016 lorsque son commandant de marine, Kulbhushan Jadhav, fut arrêté en flagrant délit de collusion avec des groupes terroristes au Pakistan et en Iran. Islamabad avait alors présenté ses aveux vidéo et des documents officiels au Conseil de sécurité de l’ONU et à New Delhi, mettant en lumière les liens du RAW (services de renseignement indiens) avec les insurgés baloutches.
« Téhéran et Islamabad semblent avoir enfin atteint un consensus, reconnaissant que les tensions au Baloutchistan sont passées d’une rébellion à petite échelle à un jeu géopolitique complexe. Ce scénario a attiré l’attention de divers acteurs locaux, qui ont ensuite tenté de manipuler et d’exploiter les groupes mécontents à des fins stratégiques », explique Mansur Khan Mahsud, directeur du FATA Research Centre (FRC), un groupe de réflexion basé à Islamabad, cité par Al Mayadeen English.
Les services secrets soutiennent les insurgés baloutches
Le récent rapprochement entre le Pakistan et l’Iran découle d’une compréhension mutuelle des ennemis communs à l’affût, collaborant avec le RAW, le Mossad, la CIA et les Talibans pour semer la discorde entre ces deux poids lourds régionaux.
Un autre groupe de réflexion, l’Islamabad Policy Institute (IPI), a exprimé les mêmes préoccupations lors d’une table ronde organisée dans la capitale pakistanaise le 31 juillet, deux jours avant la visite inaugurale du président iranien Massoud Pezeshkian au Pakistan. Cette réunion a souligné la nécessité pour les deux puissances régionales de resserrer leurs liens afin de contrer les projets hostiles de leurs adversaires.
Cette table ronde a réuni des personnalités politiques, analystes et journalistes des deux pays, tous insistant sur l’importance d’un lien plus étroit pour défendre les intérêts communs dans un contexte géopolitique en pleine mutation. Les participants ont notamment mis en avant les menaces émanant de « Israël ».
Dr Shireen Mazari, présidente de l’IPI et ancienne ministre des droits humains, a confié à Al Mayadeen English que des problèmes épineux demeurent, notamment la gestion des frontières, qui entrave le commerce et les pèlerinages. Elle a insisté sur le fait que les ingérences étrangères constituent une menace majeure pour la stabilité régionale.
« Ces forces tentent de jeter notre région dans le chaos. ‘Israël’ et les États-Unis jouent un rôle dans les mouvements séparatistes actifs en Iran et au Pakistan. Pour inverser la tendance, nous devons renforcer notre coordination sécuritaire et relancer les efforts de longue date pour le gazoduc Iran-Pakistan », a-t-elle déclaré.
Elle a également mis en cause la crédibilité du régime mondial de non-prolifération nucléaire, affirmant : « Si Israël n’est pas intégré au TNP et placé sous les garanties de l’AIEA, l’Iran n’aura guère de raisons de se conformer au traité. »
Pourquoi les États-Unis veulent-ils s’implanter dans cette région instable ?
Contrairement à l’Afghanistan, qui joue un rôle plus discret en servant de base arrière pour des militants infiltrés au Pakistan avant de passer en Iran, les États-Unis se sont récemment aventurés dans la zone.
Washington a conclu un accord avec le Pakistan pour exploiter les richesses minérales de la ceinture du Baloutchistan, mais l’objectif réel serait de s’implanter à proximité immédiate des installations nucléaires iraniennes.
Islamabad a annoncé dérouler le tapis rouge aux entreprises américaines, les invitant à investir dans des projets miniers, notamment dans la province du Baloutchistan, au sud-ouest. Cette initiative se fera en partenariat avec des sociétés locales, avec des incitations comme l’octroi de concessions.
En parallèle, le Pakistan a conclu un partenariat avec World Liberty Financial (WLF1), une société de cryptomonnaie liée à la famille du président américain Donald Trump. Le Pakistan Crypto Council, dirigé par Bilal bin Saqib, ancien conseiller de WLF1, a finalisé cet accord. Ce dernier a récemment rencontré l’ambassadrice américaine par intérim Natalie Baker pour discuter du renforcement de la coopération dans les domaines de la blockchain et de l’intelligence artificielle. Cet accord attire l’attention en Inde, où certains expriment leurs inquiétudes face à ce partenariat crypto entre Islamabad et Washington.
Un article de Newsweek publié le 29 juillet a affirmé qu’« Israël » dispose d’un avantage sur la République islamique en s’appuyant sur des minorités mécontentes prêtes à « perturber et renverser le régime ».
Selon ce média, citant des analystes et d’anciens responsables israéliens, les discussions sur un soutien à ces activités s’intensifient à mesure que les tensions au Moyen-Orient s’aggravent. Eran Lahav, ancien analyste du renseignement des forces d’occupation israéliennes (IOF), est aujourd’hui chercheur principal au Israel Defense and Security Forum.
Newsweek indique qu’Eran Lahav a récemment rédigé un rapport détaillant comment « Israël » pourrait accentuer sa pression sur l’Iran, notamment en renforçant ses alliances avec des groupes dissidents iraniens à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Dans un contexte où les appels aux mouvements populaires lancés par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et des figures de l’opposition iranienne restent largement sans effet, le rapport conclut que « l’espoir seul ne suffit pas » et que « seuls un soutien concret, comme des armes et une logistique, peuvent permettre à l’opposition de passer à l’action réelle ».
F. M. Shakil
Traduit de l’article Iran–Pakistan consensus on tackling Balochistan militancy (Al Mayadeen English)
Les opinions figurant dans cet article sont personnelles à l’auteur et ne sauraient engager Al Mayadeen.