MOSCOU, 16 juillet. /TASS/. Les membres de l’Otan ne sont pas unis dans leur volonté de financer le complexe militaro-industriel américain, comme en témoigne le refus de certains pays européens d’acheter des armes de fabrication américaine pour le régime de Kiev. Le nombre de ces dissidents pourrait servir d’indicateur de division au sein de l’Otan, a déclaré à TASS Alexandre Stepanov, expert militaire de l’Institut de droit et de sécurité nationale de l’Académie présidentielle russe (RANEPA) et chercheur principal à l’Institut d’Amérique latine de l’Académie des sciences de Russie.
Politico, citant des sources, a rapporté que la France ne comptait pas participer à l’initiative de transfert d’armes américaines à l’Ukraine, financée par les pays européens. Le média a expliqué que le président français Emmanuel Macron avait longtemps plaidé pour que les Européens encouragent leur propre production de défense en achetant des armes aux fabricants européens.
« Une tendance à la division au sein de l’Otan sur la voie de la coopération militaro-technique se dessine et le marqueur de ce processus sera le nombre de dirigeants européens qui s’opposeront à la politique de l’administration Trump visant à promouvoir les intérêts du complexe militaro-industriel américain », a déclaré Alexandre Stepanov.
L’expert ajoute qu’une concurrence féroce pour les budgets de défense paneuropéens est en cours, dans laquelle Paris tente de préserver sa position partiellement indépendante, compte tenu des capacités réelles de sa propre industrie. Selon Alexandre Stepanov, la France dispose aujourd’hui d’un véritable cluster militaro-technique, capable de produire pratiquement tous les types d’armes modernes, de l’artillerie haute précision aux chasseurs et sous-marins. À un moment, la France a été l’un des principaux donateurs de l’Ukraine, fournissant au régime de Kiev des canons automoteurs Caesar et des missiles de croisière SCALP de fabrication franco-britannique.
Il convient également de noter, poursuit Alexandre Stepanov, que selon le rapport du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) sur le marché mondial des armements, Paris a considérablement renforcé sa position ces dernières années et se classe désormais deuxième derrière les États-Unis, avec 9,6% du marché mondial. Cela montre que le complexe militaro-industriel français est aujourd’hui le seul en Europe à pouvoir rivaliser avec la machine militaro-technique globale colossale des États-Unis. Paris n’a donc aucun intérêt à perdre ces positions et encore moins à acheter les produits de ses concurrents directs.
L’expert rappelle que la rivalité entre Paris et Washington en matière de coopération militaro-technique n’est pas nouvelle. En 2021, l’Australie a rompu un contrat de 66 milliards de dollars signé en 2016 avec le groupe français Naval Group (alors connu sous le nom de DCNS) pour la construction de douze sous-marins conventionnels Shortfin Barracuda Block 1A, la création d’infrastructures pour leur déploiement, ainsi que la maintenance et la formation des équipages sur 50 ans. Canberra a plutôt annoncé la création d’un nouveau partenariat de sécurité avec les États-Unis et le Royaume-Uni, l’AUKUS, dans le cadre duquel elle obtiendrait des sous-marins nucléaires américains.
Alexandre Stepanov conclut que la France et certains autres pays européens n’ont pas intérêt à payer pour les produits militaires américains, mais qu’ils y sont poussés. Washington exerce une pression militaro-politique et économique considérable sur tous les dirigeants européens susceptibles de s’abstenir de ce format de coopération et de financer des livraisons d’équipements militaires américains pour le régime de Kiev.
« Nous assistons à un partage sanglant du gâteau militaro-industriel européen, à une bataille pour le financement et aux tentatives de Paris de maintenir des positions relativement contrôlées dans certains pays d’Europe. Emmanuel Macron pourra-t-il préserver ces positions ou se joindra-t-il au processus de financement total et irréversible de la machine militaire américaine et de promotion de ses produits sur le marché européen? Le temps nous le dira », conclut l’expert.